Avec sa capacité à surprendre et à réconforter, la pâtisserie italienne est un art qui parle au cœur. Panettoni, tiramisù, cannoli, baci di dama, amaretti, sfogliatelle, ne sont que quelques exemples qui illustrent la variété des gâteaux, grands et petits, et des biscuits de la Péninsule.
ALESSANDRA PIERINI
La pâtisserie italienne est une mosaïque de traditions régionales, chacune ayant ses spécialités qui reflètent la culture et les ingrédients locaux. À Noël, l’odeur du panettone envahit les maisons et les boutiques de pâtisserie, un rituel incontournable pour des millions de familles. À Carnaval, les chiacchiere sont frites dans un triomphe de sucre et de légèreté. À Pâques, les colombe volent au-dessus des tables, le pastiere sont préparées dans toutes les maisons napolitaines, tandis que les cannoli et les cassate témoignent du savoir-faire baroque de la Sicile, où chaque gâteau est une célébration de la beauté et de l’abondance. Cette diversité fait de la pâtisserie italienne un patrimoine culinaire unique, où chaque bouchée est un voyage à travers nos traditions et nos saveurs.
Si la pâtisserie française est réputée pour la précision, la technique et l’élégance de ses créations, souvent associées à des noms illustres de chefs et de créateurs, la pâtisserie italienne, quant à elle, puise ses racines dans les traditions familiales. Pays à vocation historiquement agricole, l’Italie a élaboré une pâtisserie basée sur des ingrédients simples et authentiques, souvent liée à des fêtes et des célébrations locales. Les gâteaux italiens reflètent l’essence des différents territoires, avec des recettes transmises de génération en génération, mettant en valeur la qualité des matières premières disponibles localement.
Si la simplicité est le cœur de la pâtisserie italienne, il ne faut pas s’y tromper : sous l’apparence d’une recette apparemment accessible se cache en effet un grand savoir-faire. Il suffit de penser aux baci di dama, deux coquilles de pâte brisée aux noisettes collées par une fine garniture au chocolat, ou à la sfogliatella napolitaine, avec son équilibre complexe entre farce de ricotta et fleur d’oranger, le tout enveloppé par une pâte caractérisée par de très fines couches qui se superposent, lui donnant un aspect feuilleté et croustillant.
Afin de vous offrir un aperçu aussi complet que possible de la pâtisserie italienne, j’ai divisé les nombreuses spécialités pâtissières en différentes catégories, chacune représentant un type particulier de préparation.
I BISCOTTI
L’Italie est la patrie des biscuits, un élément fondamental de ses pâtisseries et peut-être la catégorie la plus variée. Nés de la nécessité de les faire durer pour être facilement transportés, ils ont chacun leur histoire qui se confond avec une tradition artisanale et régionale. Leur nom vient du mot latin médiéval biscoctus, qui signifie « cuit deux fois ». À l’origine, il s’agissait de pains cuits deux fois, durs et à longue conservation, qui constituaient des provisions résistantes pour les soldats et les marins durant leurs longs voyages. Au fil des siècles, leur composition a évolué. Jusqu’au Moyen Âge, le miel et le moût de raisin cuit étaient utilisés pour leurs propriétés sucrantes. Le sucre fit son apparition à Venise en 996 mais il était extrêmement rare et cher. Plus tard, les épices orientales telles que le poivre, la cannelle et l’anis ont permis d’enrichir la variété et la saveur des biscuits.
Il serait difficile de dresser la liste de tous les biscuits italiens en raison de leur extraordinaire diversité. Cependant, nous pouvons en citer quelques-uns afin de mieux comprendre leurs caractéristiques.
Parmi les biscuits contenant des épices, on peut citer les susamielli, typiques du Latium, des Pouilles et de la Campanie, à base de pâte brisée enrichie d’écorces d’agrumes, de cannelle, de noix de muscade, de miel et de pisto napolitain, un mélange d’épices traditionnel. Les mostaccioli, répandus dans le Molise, l’Ombrie, les Pouilles, la Campanie, la Calabre et la Sicile, sont également riches en épices. Ils sont composés de farine, miel et épices, avec des variantes régionales incluant fruits secs, cacao ou liqueur.
Parmi les très nombreux biscuits à base d’amandes, il existe une multitude de versions d’amaretti, qui peuvent être croquants ou moelleux, préparés avec un mélange d’amandes douces et amères, de sucre et de blancs d’œufs. En Toscane, on trouve les cantuccini, de véritables biscuits cuits deux fois, que l’on trempe traditionnellement dans du Vin Santo, les ricciarelli à base de farine d’amandes, de miel, d’écorce d’orange et de vanille, caractérisés par leur forme de losange et leur texture moelleuse. On peut également citer les savoureuses pâtisseries aux amandes de Sicile, de Sardaigne (là-bas appelées sospiri), des Pouilles et de Calabre.
L’utilisation de fruits secs et confits enrichit les cavallucci de Toscane et des Marches, préparés avec du miel, de l’anis, des noix, des amandes et des écorces d’agrumes confites, ou les papassini sardes, qui contiennent des raisins secs, des noix, des amandes, des écorces d’orange et des épices, souvent avec l’ajout de sapa, un moût de raisin cuit.
Certains biscuits dérivent directement de la tradition du pain, à l’image des torcetti du Val d’Aoste et du Piémont, à base de beurre, de sucre et de farine, dont la préparation ressemble à celle des gressins, mais dans une version sucrée. Les taralli au sucre glace, répandus en Campanie, en Calabre, en Basilicate et dans le Latium, sont la variante sucrée des taralli salés, préparés avec de la farine, du sucre, du saindoux, des œufs et aromatisés avec de la liqueur d’anis ou du rhum.
La pâte brisée est la base de nombreux biscuits traditionnels tels que les paste di meliga typiques du Piémont, préparés avec de la farine de maïs très fine, du sucre, des œufs et de la vanille, donnant une texture friable et une saveur délicate. Toujours dans le Piémont, on trouve les krumiri, à base de farine de blé et de maïs, de sucre, de beurre, d’œufs et de vanille. Les canestrelli, liguriens et piémontais, sont préparés avec beaucoup de beurre, de la farine, du sucre et des œufs, et saupoudrés de sucre glace. Les zaleti, zaeti ou xaeti en Vénétie, dans le Trentin et dans le Frioul, sont élaborés avec de la farine de maïs et de blé, du beurre, du sucre, des œufs, des raisins secs, des pignons de pin et des écorces de citron.
Les plus originaux sont les ´mpanatiggi de Modica, en Sicile, qui se caractérisent par leur forme en demi-lune semblable à celle des petits panzerotti, de gros raviolis. Leur garniture est faite d’amandes, de noix, de chocolat, de sucre, de cannelle, de clous de girofle et de viande de bœuf. Introduits au XVIe siècle sous la domination espagnole, leur nom dérive de l’espagnol empanadillas. On raconte que les religieuses cachaient de la viande hachée entre les amandes et le chocolat pour contourner les restrictions imposées par le Carême.
LE TORTE
L’Italie possède une riche tradition de tartes et de gâteaux régionaux, chacun reflétant la culture et les ingrédients locaux. En Campanie, la torta caprese est un gâteau au chocolat et aux amandes originaire de l’île de Capri, très souple et sans farine. En Toscane, la torta della nonna est une tarte fourrée à la crème pâtissière et garnie de pignons de pin et de sucre glace. En Émilie-Romagne, la torta di riso est composée de riz cuit dans du lait sucré et enrichi d’amandes et de cédrats confits. En Lombardie, la torta paradiso typique de Pavie, est un gâteau moelleux et léger à base de beurre, de sucre et d’œufs, tandis que la torta sbrisolona, originaire de Mantoue, est rustique et friable, faite avec de la farine de maïs et des amandes. En Sicile, la cassata est un gâteau élaboré à base de ricotta sucrée, de génoise, de pâte d’amande et de fruits confits, et elle incarne un véritable symbole de la pâtisserie sicilienne dans le monde entier, au même titre que les cannoli.
I DOLCI FRITTI
Les desserts frits constituent une autre catégorie importante. Souvent associés aux fêtes et traditions régionales, ils sont préparés en plongeant la pâte dans de l’huile chaude jusqu’à ce qu’elle soit dorée et croustillante. Parmi quelques exemples significatifs, les zeppole di San Giuseppe sont peut-être les plus populaires. Typiques de la Campanie, ces beignets garnis de crème pâtissière et de cerises griottes sont traditionnellement préparés à l’occasion de la Saint-Joseph, le 19 mars. Il existe ensuite toute une série de gâteaux de Carnaval, connus sous des noms différents selon les régions (frappe, bugie, chiacchiere, galani ou cenci), qui sont de fines bandes de pâte frite, saupoudrées de sucre glace. Les castagnole, répandues dans plusieurs régions italiennes, sont de petits gâteaux en pâte frite, souvent enrichis de liqueur ou fourrés à la crème, eux aussi liés aux fêtes de carnaval, tout comme les frittelle, souvent aux raisins secs et aux pommes. Les struffoli, issus de la tradition napolitaine, sont de petites boules de pâte frite trempées dans du miel et décorées de dragées colorées. Ils sont typiquement préparés pendant les fêtes de Noël. En Sardaigne, les seadas sont des raviolis sucrés et frits, farcis de fromage de brebis frais et de zeste d’agrumes, et recouverts d’une couche de miel.
I DOLCI AL CUCCHIAIO
Dans son manuel de cuisine familiale italienne, La science en cuisine et l’art de bien manger (1891), le célèbre gastronome Pellegrino Artusi consacre pas moins de 85 recettes à cette catégorie. Ces gâteaux se caractérisent par une texture crémeuse ou moelleuse, et ils se dégustent à la cuiller. Leur origine remonte à des temps anciens : les Grecs et les Romains consommaient déjà des préparations molles à base de miel, de fruits et de lait. Parmi les recettes les plus populaires et les plus connues à l’étranger, citons la panna cotta piémontaise, à base de crème, de lait et de sucre, servie avec des coulis de fruits ou du caramel, et le bonet, un flan à base de biscuits amaretti, de cacao, d’œufs, de lait et de rhum, souvent recouvert de caramel. Le biancomangiare sicilien est l’un des desserts les plus anciens, à base de lait, de sucre et d’amandes, à la consistance délicate et à la couleur blanche si caractéristique.
Le zabaione, très répandu dans différentes régions, est une crème mousseuse à base de jaunes d’œufs, de sucre et de vin liquoreux, comme le Marsala. Et bien sûr, comment oublier les incontournables tiramisù et zuppa inglese, dont vous trouverez ma recette préférée dans ces pages.
Car, après tout, il y a toujours de la place pour le sucré. Et c’est précisément cette douceur, variée et irrésistible, qui continue à rendre la pâtisserie italienne unique.
A.P.