On dénombre au moins trente-huit musées à Bologne, un pour chaque kilomètre de portiques. Églises et palais cachent d’innombrables chefs-d’œuvre artistiques prêts à se dévoiler à ceux qui voudront bien porter un regard attentif et curieux à la ville.
Trente-huit kilomètres de portiques entourent Bologne et embrassent son centre historique en une étreinte unique. Entre le XVe et le XVIIIe siècles, seules quelques grandes familles comme les Fantuzzi, les Aldrovandi, les Davia Bargellini, ont choisi de payer une taxe exorbitante pour pouvoir construire leurs palais sans concéder aux passants, quelle que soit la saison, le droit de se réfugier sous leurs porches. C’est à une époque plus récente que certaines reconstructions peu réfléchies ont rendu cela possible, sans, heureusement, faire trop de dégâts.
On ne peut comprendre Bologne, le charme secret de cette ville ancienne, sans se plonger dans la philosophie de ses innombrables portiques, au-dessus desquels, dans les artères plus larges et plus nobles, s’alignent les façades en briques et en grès, et, au fur et à mesure que l’on se rapproche des portes de la ville en direction des quartiers populaires, les couleurs émiliennes des enduits se succèdent : orangé, jaune clair, rouge pâle, ravivés par la teinte rouille des grands rideaux en chanvre. Les portiques sont à la fois rue et porte cochère, passage et prolongement de maison. Parfois, ils sont au ras des voitures alignées, parfois, et l’on ne s’en aperçoit même pas, ils montent bien au-dessus du niveau de la voie.
Comme le chante Francesco Guccini dans ses ballades, Bologne n’a pas oublié qu’elle a été paysanne et, sous les portiques, on peut lire les signaux subtils des saisons : la grande ligne méridienne au sol de la basilique San Petronio, les ombres plus ou moins longues, le soleil qui perce à peine, rivalisant avec le brouillard et la brume caniculaire, la pluie, au-dehors, qui mouille la rue. Peut-être était-ce pour échapper au rythme horizontal des rues à portiques que les Bolognais d’alors se sont construits des tours toujours plus hautes, comme pour aller arracher un morceau de ce ciel que, depuis les portiques, on ne voit que découpé en demi-cercle ? Des colonnes, des milliers de colonnes et de chapiteaux, des piliers, des corbeaux, des voûtes, des travées : une anthologie de styles qui se succèdent sans discontinuité. Un jeu qui invite à un infini tournoiement sans but, passant inopinément de la pénombre d’un portique à la fraîcheur gothique de l’intérieur d’une église, souvent pourvue d’un déambulatoire, autrement dit d’un vaste et riche couloir qui tourne autour du maître-autel, entouré de chapelles qui promettent monts et merveilles à ceux qui auront l’idée et le temps de jeter un coup d’œil derrière les grilles. L’on peut ensuite sortir par la porte opposée, la visite n’en sera allongée que de quelques pas.
Stefano Zuffi / Meridiani