Il est temps de faire un choix, car la folie dans laquelle prospère l’Italie produit des effets de plus en plus dévastateurs qui donnent parfois l’impression d’avoir affaire à une maladie incurable. Héritage peut-être de ce vieux vice italien qui consiste à ne pas vouloir affronter les problèmes et à toujours les reporter en préférant vivre dans l’émergence.
– Je pense par exemple à la polémique sur les droits LGBT+.
– Je pense à ces joueurs de l’équipe nationale de foot qui, n’ayant pas de colonne vertébrale (mais les poches bien remplies), ne sont même pas capable de décider de rendre ou non hommage, en s’agenouillant, à la bataille du mouvement antiraciste Black Lives Matter (BLM). Avec un capitaine de la Squadra Azzurra qui confond racisme avec nazisme.
– Je pense au Mouvement 5 Étoiles et au chaos interne dans lequel il se trouve, déstabilisant non seulement leur histoire, mais aussi la possibilité de peser dans l’arène politique.
– Je pense à un Premier ministre qui a usurpé, je le répète, usurpé le travail de ceux qui l’ont précédé, pouvant compter sur une presse incohérente et indigne, à la solde de ceux qui ont le pouvoir et l’argent.
Il n’est plus acceptable et ni possible pour un pays de se dégrader au point de ne pas voir les sacro-saints droits d’innombrables personnes qui attendent dignité et respect. Nous sommes le pays qui voit des madones et des saints partout, et nous refusons le droit de vivre librement aux homosexuels et aux handicapés. Et nous rejetons une loi qui ne demande que le respect et la libre dignité pour tous.
L’Italie est vraiment en mauvaise posture.
Quand je vois la réalité, je dois dire que la pandémie ne nous a pas enseigné grand-chose.
Journalistes de bas rang et pantins qui dictent à la télé la loi et interprètent la réalité avec mensonges et indignité comme s’ils s’étaient des intellectuels de haut vol. Des gens à qui, dans un pays normal, on ne confierait même pas la gestion d’une copropriété.
L’Italie est vraiment le pays des intérêts personnels et du copinage. On est loin du mérite et de la compétence.
Et puis est-il normal que des personnes comme Giuseppe Conte, Pierluigi Bersani, Alessandro Di Battista ou Nicola Fratoianni, pour n’en citer que quelques-uns, soient tournés en dérision, ne soient jamais pris en considération ?
Certes, ils ne sont pas parfaits non plus, mais indiquez-moi des personnalités en politique qui feraient la différence. Oui, c’est le désert.
En réalité, nous sommes comme des analphabètes à qui l’on a demandé de commenter un bon livre. Vous comprenez bien que la compétence, tant annoncée, est pour le moins une denrée rare à trouver.
Qui sait si viendra ce sursaut qui nous sauvera de la tragédie culturelle.
Ah, j’allais oublier. J’ai mentionné quatre personnalités que je respecte, mais je pourrais en ajouter d’autres. Je pourrais ajouter Liliana Segre du haut de ses 91 ans ou le ministre Speranza, l’ancien président de la Cour constitutionnelle Gustavo Zagrebelsky et Mimmo Lucano ou Aboubakar Soumahoro, le syndicaliste des pauvres et des exclus, Gino Strada, don Ciotti. Mais aussi bien d’autres inconnus dignes d’éloges.
Oui, tous des gens de gauche. Mais ce n’est pas un péché. Des gens qui pourraient s’unir pour donner vie à un projet qui pourrait représenter une barrière à la décadence et une alternative possible à la désintégration et à la dérive du faisceau libéral-lego-raciste de notre pays.
Il faut des personnes crédibles, honnêtes, désintéressées et qui ne pensent pas à leur propre avantage. Malheureusement des vertus rares au pays des opportunistes et des transfuges.
On est loin d’un programme politique qui donne la priorité aux besoins des plus fragiles, qui partage la rue avec eux pour le travail, qui s’arrête pour attendre les derniers, qui nous rend fiers de notre système social, de notre École, de notre système de santé. Et pourquoi pas, un programme qui respecte les droits, les religions, le sexe et les couleurs de tous, mais vraiment de tous et en même temps qui soit capable de demander le respect des règles et de la loi. Qui ne regarde personne en face et qui a le courage de faire des choix courageux et à contre-courant, même impopulaires, voire surtout impopulaires car ils serviront à restaurer l’équilibre et la dignité d’un pays dépouillé de tout après tant d’années d’abus, de privilèges, d’évasions fiscales et de libéralisme sauvages. Tout cela dans le seul but de créer des richesses incommensurables d’une part et de nouvelles générations de souffrance et de misère d’autre part.
Peut-être qu’eux aussi, les Conte, Bersani, Di Battista, feront des erreurs, la politique parfaite n’existe pas, mais commençons au moins par la cohérence et les gens propres.
Sans oublier qu’il nous faut de la sagesse mais aussi de l’ardeur, du calme mais aussi de la colère, le tout fondé sur un juste équilibre. Et alors peut-être qu’un nombre important de citoyens honnêtes et engagés les rejoindront, enfin libérés de quelques ballasts, et peut-être même auront-ils le vote de ces Italiens prêts à se remettre en jeu.
Vous l’aurez compris, je me fous du foot.
Rocco Femia, éditeur et journaliste, a fait des études de droit en Italie puis s’est installé en France où il vit depuis 30 ans.
En 2002 a fondé le magazine RADICI qui continue de diriger.
Il a à son actif plusieurs publications et de nombreuses collaborations avec des journaux italiens et français.
Livres écrits : A cœur ouvert (1994 Nouvelle Cité éditions) Cette Italie qui m'en chante (collectif - 2005 EDITALIE ) Au cœur des racines et des hommes (collectif - 2007 EDITALIE). ITALIENS 150 ans d'émigration en France et ailleurs - 2011 EDITALIE). ITALIENS, quand les émigrés c'était nous (collectif 2013 - Mediabook livre+CD).
Il est aussi producteur de nombreux spectacles de musiques et de théâtre.