Les scandales politiques survenus en Italie – pour ne parler que des plus récents – invitent à un profond examen de conscience, et pas seulement à cause de ce qui est sans doute la pire classe dirigeante jamais vue dans le pays. Il est urgent de s’interroger sur le sens moral d’une nation toujours plus complaisante à l’égard de ceux qui enfreignent la loi et en acceptent les conséquences.

Le 16 mars dernier, Ercole Incalza, directeur du ministère des Infrastructures et des Transports, est arrêté pour corruption ; Maurizio Lupi, le ministre en charge, bien qu’absent de la liste des suspects dans ce dossier, est contraint de démissionner. Incalza était en effet son réel bras droit et rien ne se faisait sans son assentiment. Ce n’est pas tout. Les écoutes téléphoniques ont permis de découvrir qu’Incalza avait aidé le fils du ministre à trouver un emploi chez un constructeur qui jouissait de ses faveurs à la direction des travaux publics. Et au milieu de tout ça, des préférences accordées lors de marchés publics dont le montant s’élevait à des millions d’euros. Le constructeur, à son tour, dans un élan excessif de générosité, offre au fils du ministre une Rolex à 10 000 euros. Leurs liens ayant été découverts, le ministre est contraint de démissionner. Pour Raffaele Cantone, président de l’Autorità Nazionale Anticorruzione, les cas de ce genre se comptent par milliers.

Mais comment quelqu’un peut-il prendre la direction du ministère des Infrastructures et des Transports, la responsabilité de travaux publics dont le montant atteint 25 milliards d’euros – et qui ont d’ailleurs mis le pays sur la paille –, et espérer passer inaperçu comme s’il était un quelconque marchand d’olives qui ne déclarerait pas tout ce qu’il vend ? Mais ces gens pensaient-ils vraiment pouvoir s’en tirer indéfiniment ?

Certains diront qu’en Italie tout est possible. C’est vrai. C’est vrai qu’on peut toujours compter sur une loi créée sur mesure pour nous sauver à la dernière minute. C’est vrai que dans nos contrées, on ne va pas en prison pour avoir escroqué un pays entier, mais pour avoir volé une pomme au supermarché. C’est vrai que chez nous, on passe au maximum quelques jours en prison, et que, dans le pire des cas, il restera bien quelques millions d’euros dans un coffre à l’étranger, fruit de précédentes magouilles.

Mais tout cela ne peut suffire à expliquer le phénomène. À y bien regarder, le tragi-comique de la situation réside surtout dans l’arrogance de ces gens, qui jamais ne semblent éprouver le sentiment d’avoir perdu ce quelque chose qu’autrefois on appelait « honneur ».

Rocco Femia

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Rocco Femia, éditeur et journaliste, a fait des études de droit en Italie puis s’est installé en France où il vit depuis 30 ans.
En 2002 a fondé le magazine RADICI qui continue de diriger.
Il a à son actif plusieurs publications et de nombreuses collaborations avec des journaux italiens et français.
Livres écrits : A cœur ouvert (1994 Nouvelle Cité éditions) Cette Italie qui m'en chante (collectif - 2005 EDITALIE ) Au cœur des racines et des hommes (collectif - 2007 EDITALIE). ITALIENS 150 ans d'émigration en France et ailleurs - 2011 EDITALIE). ITALIENS, quand les émigrés c'était nous (collectif 2013 - Mediabook livre+CD).
Il est aussi producteur de nombreux spectacles de musiques et de théâtre.