Pendant onze ans, l’écrivain Dino Buzzati (1906 – 1972) fréquenta le massif des Pale di San Martino, escaladant avec son ami le guide Gabriele Franceschini. Il fuyait ainsi la ville pour retrouver ces lieux vertigineux, ceux de ses rêves d’enfant, trouvant là l’inspiration pour tant de ses romans et nouvelles.
Pour Dino Buzzati, la montagne était « le symbole parfait de la quiétude suprême ». Non pas, donc, une arène dans laquelle mesurer ses forces à celles de la nature, et encore moins un bruyant parc d’attractions du dimanche où suivre la file des touristes sur les chemins à la mode, mais un monde enchanté, le monde de ses rêves romantiques d’adolescent, à la forte dimension spirituelle. Ainsi l’écrivain avait-il l’habitude de se rendre dans les Dolomites, avec son guide de confiance Gabriele Franceschini, chaque année, au mois de septembre, quand les foules de touristes étaient reparties en direction des villes et que les montagnes regagnaient leur silence et leur pureté. On peut dire qu’après le massif de la Schiara, la montagne de son enfance, les Pale di San Martino furent la partie des Dolomites la plus aimée de l’écrivain originaire de Belluno, parce qu’elles n’étaient pas trop dégradées par la fréquentation touristique et parce qu’elles incarnaient, symboliquement, les deux dimensions extrêmes de la nature : horizontale et verticale. Buzzati était autant attiré par les parois fuyantes du Cimon della Pala, par celles du Campanile Pradidali ou de la Cima della Madonna, ces lieux vertigineux, que par les douces lignes horizontales du haut plateau des Pale, sorte de désert de pierres suspendu en plein cœur du massif. Deux vides opposés, deux dimensions complémentaires, deux paysages qui se soutiennent l’un l’autre.