Il est passé avec désinvolture de l’électroménager à la nourriture en lançant Eataly, la plus grande, mais aussi la plus discutée des chaînes de restauration, consacrée, comme son nom l’indique, au fait de « manger italien ».Oscar Farinetti, sexagénaire, originaire d’Alba, dans le Piémont, est devenu, depuis 2004, l’un des hommes les plus cités, les plus commentés et les plus controversés de la Péninsule. Entretien autour de la nourriture, de la politique, de l’économie et des traditions.
Avez-vous aimé l’Expo qui s’est tenue à Milan et dont le thème était « nourrir la planète » ? Oui, évidemment. Et elle a plu aux innombrables personnes qui l’ont visitée. Certes, des erreurs ont été commises, comme dans toute chose, mais, dans l’ensemble, l’Italie a bien organisé cette exposition universelle ; elle s’en est sortie la tête haute, et des thèmes importants comme la mauvaise répartition de la nourriture dans le monde ont été bien représentés, tout particulièrement par la Suisse, l’Allemagne, mais aussi par le pavillon Zéro, le nôtre sur la biodiversité, et celui de Slow Food.
Selon vous, quel doit être l’objectif de l’Italie après l’Expo ?
L’Italie doit poursuivre son travail de mise en valeur de son territoire et de ses produits. Parce que nous avons besoin de doubler le nombre de touristes et l’exportation de produits agroalimentaires.
Et pour Eataly ?
L’un de nos objectifs est d’impliquer toujours plus les jeunes sur les thématiques liées à l’alimentation. Nous le ferons également à Bologne en célébrant la biodiversité italienne avec la Fabbrica Italiana Contadina F.I.Co. [Fabrique italienne paysanne ; parc qui devrait ouvrir fin 2015 dans lequel seront reconstruites les principales filières productives du secteur agroalimentaire de la Péninsule, ndr]. Nous nous adressons surtout aux scolaires pour qu’ils soient, nous l’espérons, fiers de notre patrimoine agroalimentaire et qu’à l’avenir, ils s’investissent dans ce secteur.
Ceux qui vous critiquent disent que vous faites l’amalgame entre traditions et profits. Pourquoi ?
Parce que Eataly se porte bien et ça dérange. Nous sommes une entreprise privée qui doit gagner de l’argent pour aller de l’avant, et beaucoup de personnes n’acceptent pas le lien, selon moi merveilleux, qui existe entre économie privée, profit et discours éthique. Quoi qu’il en soit, l’humanité a toujours été divisée entre ceux qui critiquent et ceux qui font, et moi, je préfère faire.
Vous avez dit que souvent, les étrangers apprécient l’Italie davantage que les Italiens.
En effet, très souvent, le made in Italy plaît beaucoup plus à l’étranger. Surtout aux États-Unis, mais également en France. En dehors de ses frontières, l’Italie est véritablement appréciée, et cette estime est réelle, il ne s’agit pas seulement de sympathie : c’est aussi en raison de notre savoir-faire dans la réalisation de produits de très grande qualité. Ce qui devrait remplir les Italiens de fierté.
Il a été question d’ouvrir un magasin Eataly en France…
Nous en ouvrirons un à Paris en 2017.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
La magie qui règne autour de la nourriture. Choisir mystérieusement les temps de préparation, avec une lune décroissante plutôt que croissante. Connaître le bon moment pour faire une chose plutôt qu’une autre. Et puis, il y a les rites, la sauce tomate en septembre, ou encore le cochon que l’on tue quand il fait froid, un événement macabre, certes, mais qui réunissait toute la famille.
Et qu’est-ce qui est le plus important pour vous ?
Je fais partie de ces entrepreneurs qui considèrent que les personnes sont plus importantes que les choses. Ce n’est pas un hasard si de nombreux managers de Eataly viennent de Unieuro [chaîne de magasins, d’abord de vêtements puis d’électroménager, créée par le père d’Oscar Farinetti en 1967, ndr].
On vous critique aussi parce que dans vos magasins les produits sont parfois plus chers qu’ailleurs et que vos restaurants sont trop à la mode.
C’est vrai, la nourriture de qualité est plus chère, mais pas tellement par rapport à celle de mauvaise qualité. En plus, quand on mange de bonnes choses, on mange mieux parce que l’on consacre davantage de temps à déguster ce que l’on mastique. En ce qui concerne le cadre, en créant des espaces plus recherchés, nous voulons montrer que manger c’est « cool », et qu’il est donc important de bien choisir ce que l’on met dans son corps.
Nombreux sont ceux qui pensent que vous êtes fin prêt pour faire de la politique. C’est vrai ?
À ma façon, en tant que chef d’entreprise, je pense que j’ai fait de la politique en créant 5 000 emplois en huit ans. Mais je n’ai pas l’intention de me lancer en politique, je laisse cela à ceux dont c’est le métier…
Toutefois, en 2014, certains de vos employés ont fait grève. On a évoqué des salaires trop bas, un sentiment d’insatisfaction…
Les employés de Eataly gagnent davantage que la moyenne du secteur. En réalité, seules trois personnes ont fait grève, à Florence. Nous avions décidé de ne pas renouveler leur contrat parce que nous avions jugé qu’elles ne correspondaient pas à ce type de travail. Mais on a fait tout un plat de cette histoire car certains ont cru qu’en m’attaquant, moi, ils allaient attaquer Matteo Renzi.
Pourquoi ?
Parce que j’ai toujours eu de l’estime à son égard, et que je pense qu’il peut résoudre les problèmes de l’Italie.
Biagio Picardi
Nato a Lagonegro, un paesino della Basilicata, e laureato in Scienze della Comunicazione, vive a Milano. Oltre che per Radici attualmente scrive per Focus Storia e per TeleSette e realizza gli speciali biografici Gli Album di Grand Hotel. In precedenza è stato, tra gli altri, caporedattore delle riviste Vero, Stop ed Eurocalcio e ha scritto anche per Playboy e Maxim. Nella sua carriera ha intervistato in esclusiva personaggi come Giulio Andreotti, Alda Merini, Marcello Lippi, Giorgio Bocca e Steve McCurry.
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