Il y a peut-être une autre façon d’aborder la question de l’immigration. Sans les cris sataniques de tel ou tel leader politique à la conquête de consensus.Seulement pour l’amour de la vérité
Prenons le cas de la Tunisie qui couvre les premières pages des journaux, en raison du nombre de Tunisiens débarquant en Italie ces jours-ci.Ce sont des femmes, des enfants, des familles entières. Mais pas seulement les jeunes, pas seulement les migrants africains, on y trouve aussi les sub-sahariens transférés en Tunisie par les trafiquants, ou bien ceux arrivés seuls, pour travailler dans ce pays arabe hospitalier et amical. Je rappelle aussi, pour ceux qui ne le savaient pas ou qui l’auraient oublié, que les Tunisiens sont, après les Roumains, la deuxième nationalité présente en Italie.
Partono gli emigranti – Les émigrants partent-, disait une vieille chanson italienne qui évoquait les voyages de nos grands-parents et arrière-grands-parents protagonistes d’un exode dans le monde sans précédent entre 1861 et 1976.C’est toujours la meme histoire. Sans pain on ne peut pas survivre. Et alors les Tunisiens se préparent à partir. Ils prennent des bateaux à partir de Sfax, Zarzis, Bizerte, des îles Kerkenna, de Kilibia, Monastir, Sidi Mansour. Ils ne s’embarquent pas directement dans les ports parce que là-bas la police tunisienne contrôle encore avec attention, mais des plages, le long de la côte tunisienne, où peut-être les policiers qui ont famille eux aussi acceptent quelques dinars en échange de tolérance. Ils arrivent, comme nous le voyons, non seulement à Lampedusa, mais directement en Sicile « continentale ».
Tunis, ce matin à l’occasion de la fête de l’Aïd Al Adha, le « Noël » islamique, est vide et triste. La fête où l’on sacrifie le mouton. Mais le nombre de familles qui peuvent se permettre non pas un mouton à sacrifier, mais même seulement un peu de viande s’est effondré.Le croisement entre la crise politique et économique du pays était prévisible. Déjà il y a deux ans, Lorenzo Fanara, le jeune ambassadeur italien, avait alerté Rome. Et ceux qui crient en demandant la fermetura des ports, comem Salvini, savent très bien que le problème n’est pas facile à résoudre. La politique italienne, en effet, avait aussi répondu aux alerte de l’ambassadeur : dans le gouvernement Lega-5stelle, la seule mission commune à l’étranger faite par Conte, Di Maio et Salvini fut précisément à Tunis. Pour essayer de stopper la crise, mais puis il y a eu le coronavirus.
En Tunisie, il y a une migration économique que tout le monde connaît depuis longtemps et que tout gouvernement a prévue, et qui s’ajoute à celle des pays africains subsahariens, une crise qui pourrait durer beaucoup plus longtemps.Autre élément important : la crise économique provoquée par le coronavirus a été le détonateur, la longue dépression économique a provoqué inévitablement une nouvelle poussée à l’émigration. Comment est-il possible pour un pays de résister face à des chiffres économiques insupportables : de 2011 à 2020, la croissance économique a été nulle, rien. La population a augmenté d’un million de personnes. Par conséquent, il y a eu une régression de 10% de la richesse du pays.Il y a quelques jours, la ministre de l’Intérieur Lamorgese est arrivée à Tunis et qu’a-t-elle trouvé? Un gouvernement démissionnaire. Au point qu’il a pu faire référence de fait au seul président de la République Kais Saied.
Les Tunisiens demandent à l’Italie l’entretien des six vedettes que l’Italie leur a donné, l’entraînement des forces de sécurité, des nouveaux radars. De son coté Rome a demandé une augmentation du quota hebdomadaire de rapatriements de citoyens tunisiens, mais sans gouvernement (le Premier ministre démissionnaire) et face à une crise économique aussi puissante à quoi pourront servir d’autres bateaux-vedettes ? Il est facile de crier le scandale dans un Parlement italien climatisé sur un problème qui a des contours si tragiques et si inhumains qu’il rend difficile toute tentative de solution.
Le coronavirus en Tunisie a été mortel pour des dizaines, des centaines d’entreprises, des commerces familiaux, même des petites et moyennes entreprises. Et en Tunisia il n’y a pas de chômage partiel. Un autre élément à considérer est le retour en Libye de milliers de travailleurs tunisiens, qui rentrent sur un marché du travail déjà en crise. Et enfin, l’incapacité de la politique locale à donner à offrir des solutions.
Sans aide, un soutien véritable de pays amis comme l’Italie et la France leurs souffrances seront encore longues et la liste de ceux qui la nuit seront prêt à s’embarquer pour la Sicile continuera à s’allonger.Je pense que l’Italie et la France doivent intervenir avec une aide économique substantielle, et envisager de l’aide à la Tunisie, un pays ami et aux nombreux liens. Cela peut sembler paradoxal, mais si nous ne voulons pas nous trouver une autre Libye ou une présence supplémentaire d’Erdogan dans ces territoires, la seule manière est de le aider sérieusement afin qu’ils puissent rester dans un pays qui en ce moment a plus besoin du nôtre.
Rocco Femia, éditeur et journaliste, a fait des études de droit en Italie puis s’est installé en France où il vit depuis 30 ans.
En 2002 a fondé le magazine RADICI qui continue de diriger.
Il a à son actif plusieurs publications et de nombreuses collaborations avec des journaux italiens et français.
Livres écrits : A cœur ouvert (1994 Nouvelle Cité éditions) Cette Italie qui m'en chante (collectif - 2005 EDITALIE ) Au cœur des racines et des hommes (collectif - 2007 EDITALIE). ITALIENS 150 ans d'émigration en France et ailleurs - 2011 EDITALIE). ITALIENS, quand les émigrés c'était nous (collectif 2013 - Mediabook livre+CD).
Il est aussi producteur de nombreux spectacles de musiques et de théâtre.