Giulia Medea Oriani est une jeune femme, une infirmière de 30 ans, dont l’histoire est une épreuve personnelle et une blessure profonde pour l’Italie. Mais, plus encore, une extraordinaire leçon de courage et d’empathie.
Son histoire commence en mars dernier, quand elle est infectée par le Coronavirus : un calvaire qui dure 79 jours, entre douleurs atroces, peur de ne pas s’en sortir, angoisse de mourir. Et enfin, la lumière. Giulia décide de tout raconter publiquement, sur Facebook, en s’adressant directement aux complotistes de tous bords et à tous ceux qui nient l’existence du virus, afin d’éviter que ce qu’elle avait vécu n’arrive à d’autres.

Rapidement, son post devient viral.
La réaction ? Une vague d’affection.
Mais aussi un torrent de boue et de haine indicible.
« Laideron ». « Tu me dégoûtes ». « Influenceuse low cost ». « Grosse de merde ». « Avec ton physique ». « Ton tonnage ». « Grosse vache ». « Fais-toi encore un sandwich à la mortadelle ». « C’est sûr que t’es pas Chiara Ferragni ».
Du body shaming à l’état pur. Le plus violent et le plus brutal qui soit. Et il provient, surtout, de femmes. Des femmes qui haïssent les autres femmes, dans une chaine toxique et infinie dont on sort victime deux fois : de ses propres préjugés, et de ceux des autres.
Alors Giulia fait ce qu’elle sait faire de mieux : répondre. À tous et à toutes. Un nouveau chef-d’œuvre d’empathie et d’amour pour elle-même et pour la vie. À lire jusqu’à la dernière ligne.
« J’ai raconté mon histoire, ma maladie, en parlant de sujets délicats, et certains ont préféré s’arrêter à mon image – dit Giulia. Ces « certains » sont pour la plupart des FEMMES. Des femmes qui choisissent d’attaquer violemment une autre femme sur son physique, sans penser aux conséquences parfois graves que leurs mots pourraient avoir. Le body shaming (fat shaming, en l’occurrence), en effet, est susceptible d’être signalé à la cyberpolice, en plus d’être ignoble et inacceptable pour des personnes adultes et, on est en droit de supposer, matures.
Je suis aujourd’hui une femme de 30 ans, et je choisis d’en rire, mais je ne peux pas nier que l’adolescente qui vit encore à l’intérieur de moi en a d’abord souffert. Beaucoup. Parce que j’ai été harcelée durant toute ma scolarité, et la douleur que je ressentais est encore présente, quelque part, à l’intérieur de moi. Ces derniers jours, je suis entrée sans le vouloir dans un monde dont je savais qu’il pourrait me blesser ; heureusement, j’ai grandi et j’ai changé. En partageant ce qui m’était arrivé, je me suis mise à nu, et j’ai été insultée ; alors je vous réponds en vous racontant une autre histoire.
Je n’ai jamais eu un bon rapport avec mon corps : j’ai été une petite fille et jeune fille qui rentrait chez elle en pleurant parce que ses camarades de classe se moquaient d’elle de toutes les façons possibles ; je suis ensuite devenue une adolescente qui avait honte de pleurer encore de certaines choses, qui n’arrivait pas à dire à haute voix combien les autres la méprisaient, et qui a trouvé un autre moyen d’exprimer son mal-être, un moyen plus sournois et complexe, sur lequel il a été plus difficile d’intervenir par rapport aux larmes pour lesquelles il suffisait d’un mouchoir. Je m’en suis pris à mon corps. Ce corps dont tellement se moquaient, que je n’arrivais plus à regarder, est devenu ma cible préférée ; je l’ai blessé et détruit comme je pouvais. Pendant des années.
Les adolescents, sont, justement, des adolescents : ils se moquent, ils insultent, ils tournent en dérision les autres souvent sans même se rendre compte des conséquences de leurs actions ; je ne me plains de rien. Quand je suis allée à l’université, je suis entrée dans le monde des adultes, les insultes se sont arrêtées et j’ai découvert que moi aussi, je pouvais plaire aux autres. Dans ma tête, cependant, pendant longtemps les choses n’ont pas changé.
J’ai passé des années à me détester, à chercher à me cacher, à penser que je ne valais rien malgré l’amour qui m’entourait. Parce qu’à mes yeux, ma valeur était un chiffre sur une balance, et elle l’a été longtemps, trop longtemps.
Aujourd’hui, heureusement, j’ai changé ; après un long cheminement personnel, j’ai compris que ma valeur allait au-delà de ma taille de pantalon. J’ai compris que j’avais un cerveau qui fonctionne, des capacités de discussion, le sens de l’amitié, et beaucoup d’autres qualités qui font de moi une personne appréciable. J’ai choisi ma PERSONNE, et non mon PHYSIQUE, comme carte de visite.
Bien sûr, je ne peux pas dire que j’aime mon corps, mais il n’est pas ce qui me rend plus ou moins belle, il est seulement une valeur ajoutée qui peut plaire, ou ne pas plaire. J’aimerais être comme Chiara Ferragni, évidemment, même si ma préférée reste Scarlett Johansson ; malheureusement, au moment où Dieu distribuait la coolitude, je suis arrivée trop tard et tout était fermé. Dommage.
J’ai appris avec le temps que ceux qui ne sont pas capables de soutenir une discussion sur le plan intellectuel choisissent d’attaquer là où c’est le plus facile, là où ça fait le plus mal, là où ils pensent trouver le point faible de l’autre. Eh bien au lieu de ça, vous m’avez donné le courage de fouiller plus profondément, d’aller chercher la jeune fille blessée que j’ai été, de la prendre par la main et d’essuyer ses larmes. Mais essayez d’imaginer ce qui se serait passé pour cette jeune fille si elle avait lu vos posts. Une jeune fille qui, après avoir été insultée par une dizaine de personnes, s’est autodétruite pendant plus de dix ans, comment aurait-elle réagi à des centaines d’insultes, parfois très violentes ? Combien de jeunes ont mis fin à leurs jours, écrasés par le poids de la haine et de l’ignorance déversées par certains ?
Et s’il s’agissait de votre fille, de votre sœur, de votre nièce ?
Mes rondeurs et moi, nous avons bien rigolé, et nous même eu envie de fêter ça. Dommage, j’avais déjà fini la mortadelle ».

Quelle beauté, Giulia.
Quelle beauté.
Nous t’aimons.

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Lorenzo Tosa, 35 anni, giornalista professionista, grafomane seriale, collabora con diverse testate nazionali scrivendo di politica, cultura, comunicazione, Europa. Crede nel progresso in piena epoca della paura. Ai diritti nell’epoca dei rovesci. “Generazione Antigone” è il suo blog.