Sa fête préférée restera sans doute Noël, mais quasiment en même temps qu’il célébrait ses 77 ans, le 17 décembre dernier, le Time lui décernait son prestigieux titre d’ « homme de l’année ». Une année qui selon le magazine avait fait de lui « quelque chose comme une rock star ». « Jesse Jackson le compare même à Martin Luther King » poursuit l’édito du Time qui justifie son choix. En cette fin 2013 qui vient de nous dérober Nelson Mandela, il nous faut peut-être bien peu pour nous emballer et nous trouver une nouvelle icône, alors sans doute est-il tant d’analyser cet engouement, mystique ou pas, avant de prendre nos bonnes résolutions.
Le sens du timing
En mars dernier, quand il se présentait au balcon face à la place Saint-Pierre, je vous racontais ici même la réaction de ma fille face à sa découverte : « Mais il est vieux, papa ! ». Mais l’habit ne fait pas le moine et encore moins le pape. Dans son « buena sera » lancé à la foule, en toute simplicité, transparaissait déjà sa ligne d’action prioritaire : la justice sociale. Et le Time le rappelle bien, « cet homme a le sens du timing ». Dans une société minée par la crise, en recherche pour ceux qui résistent, de simplicité et d’authenticité, il décide de s’adresser aux plus démunis, oubliant la dichotomie : croyants/athées.
Et la légende urbaine de se mettre en marche : « il appellerait des inconnus au téléphone pour les encourager ou les féliciter », « la nuit, il irait visiter les pauvres », « il a troqué la luxueuse voiture de fonction pour un minibus » etc… Une « Françoismania » s’instaure selon « Aujourd’hui en France » qui lui consacre ce week-end un dossier (ce qui n’avait pas dû arriver pour un pape de la part de ce journal depuis des années). En Italie, « François » a été le prénom le plus donné aux nouveau-nés cette année. La société aurait-elle besoin de croire en quelqu’un, à défaut de croire en quelque chose ?
Les sujets qui fâchent
Seulement François n’est pas un surhomme. A vouloir trop s’adresser à la société le plus largement et distinctement possible, ne laissant personne au bord du chemin, toujours par monts et par vaux (Lampedusa, Rio, etc…), n’a-t-il pas oublié de remettre sa maison en ordre ? Une fois de plus dans son exhortation apostolique publiée le 26 novembre dernier, il parle encore et encore de justice sociale. Et pendant ce temps des femmes attendent toujours d’être ordonnées prêtres, des hommes d’Eglise de se marier et des victimes de sévices sexuels que leurs pieux tortionnaires soient poursuivis et condamnés.
Pourtant François nous l’a bien répété : il n’est qu’un homme. Et voilà qu’à nouveau, chacun voudrait qu’en quelques mois de pontificat, il ait fini de restaurer la plus grande cathédrale du monde, celles du catholicisme. Les plus anticonformistes de ses croyants attendent un geste fort et des paroles concrètes sur des thèmes comme l’homosexualité ou l’avortement. La reconstruction de l’église dont se détournent de plus en plus de fidèles est à ce prix. Pour François, les présentations au monde sont aujourd’hui faites, voici venu le temps de la réflexion avant, peut-être, celui des réformes. 2013 a été son année, espérons que 2014 ne le verra pas s’endormir sur ses lauriers. Rappelons-nous d’Obama et de son Nobel de la paix, resté en quelque sorte un vœu pieux. Libre à chacun d’y croire…
Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.