Anticonformistes et visionnaires, les Scapigliati furent les rebelles des années 1860.
«Une certaine catégorie d’individus, entre vingt et trente-cinq ans, le plus souvent brillants, avant-gardistes, indépendants comme l’aigle des Alpes, enclins au bien autant qu’au mal, inquiets, tourmentés, turbulents, tiraillés entre leur condition et leur statut, c’est-à-dire entre ce qu’ils ont dans la tête et ce qu’ils ont dans la poche ; en raison de leurs manières particulièrement excentriques et désordonnées, ils méritent d’être classés dans une nouvelle sous-catégorie particulière de la grande famille civile, comme ceux qui y forment une caste singulière, distincte de toute les autres. » C’est ainsi que Cletto Arrighi – anagramme de Carlo Righetti –, journaliste, écrivain et homme de théâtre milanais, décrit les Scapigliati en 1858, en publiant une première version de son roman La Scapigliatura ed il 6 febbraio dans l’Almanacco del Pungolo. La date faisait allusion au 6 février 1853, jour de répression sanglante d’une révolte mazzinienne. Il y décrivait à la perfection ces jeunes révolutionnaires de l’art, utilisant précisément le mot Scapigliatura, déjà présent dans des textes de Dante, Boccace et Parini, et qui, désormais, désignait « une classe nombreuse, inconsciente de ses propres forces, voire de sa propre existence, propagatrice d’utopies brillantes, foyer d’idées généreuses, âme de tous les éléments géniaux ».