Au XVIIIᵉ siècle, on parlait de « Bonheur public », avec un B majuscule. Qu’est véritablement le Bien commun qu’il faut voir et sauver ? RADICI a posé la question à l’économiste Luigino Bruni.
Existe-t-il encore une affinité naturelle entre l’Italie et le Bien commun, expression que l’on entend résonner comme un appel aux forces politiques et sociales en ces jours profondément critiques pour l’Italie, mais que tant ont visiblement du mal à entendre. Pourtant cette affinité naturelle entre l’Italie et le Bien commun existe bel et bien. Nous sommes la patrie de Thomas d’Aquin [pour qui la bienveillance signifie vouloir agir pour le bien des autres, ndr], nous sommes aussi la terre de la tradition du « Bonheur public », nom que l’économie moderne emprunta à l’Italie du XVIIIe siècle. Tandis que, pour leur part, les Américains avaient mis au centre de leur humanisme le droit individuel à la « Recherche du bonheur » (Pursuit of happiness) et que les Anglais choisissaient « La richesse des nations » (Wealth of Nations), les Italiens mettaient au centre de leur entrée dans la modernité la nature publique du bonheur.
Il y a dans cette expression tellement de choses précieuses, aujourd’hui plus actuelles encore qu’hier. Elle nous dit tout d’abord que la dimension la plus importante de notre bonheur est quelque chose de public, de partagé, dont dépendent également ses aspects individuels. Quand la paix est menacée ou que l’on brise l’entente civile, même les bonheurs privés ordinaires de chacun d’entre nous entrent en crise et s’assombrissent – ce que nous sommes en train de voir ces jours-ci.