L’année qui vient de s’écouler a été marquée par la crise de l’Europe, celle des interminables migrations humaines, de la bataille pour les droits civils, des leaderships de nos pays de plus en plus fragilisés, d’un référendum qui a divisé encore plus l’Italie. Une année qui a vu la chute des dieux, avec un taux inimaginable de participation (70 %) au référendum de décembre dernier et une énième crise gouvernementale.
Et si notre regard avide d’optimisme se tourne vers l’Europe, rien de mieux ne se profile à l’horizon. C’est un triste constat, le processus politique s’est malheureusement arrêté. Il est difficile d’identifier des personnalités qualifiées qui puissent entraîner les pays européens vers une vraie réalisation du projet des pères fondateurs. Les plus grands dirigeants sont en crise : François Hollande renonce à un deuxième mandat, Matteo Renzi démissionne après la raclée du référendum sur la réforme constitutionnelle rejetée par une grande majorité des Italiens, pendant qu’Angela Merkel est la seule pour le moment à rester en selle. J’aime Angela Merkel, elle me plaît, elle a l’air tranquille et déterminé, j’admire sa dignité, à une époque où il faut être beau, brillant, jeune, branché. Je dois dire que je partage moins sa politique de l’austérité mais que je défends sa position sur les migrants et les réfugiés. Certes, elle n’a pas ouvert les portes, mais au moins elle ne les a pas fermées. Ce qui, par les temps qui courent, est déjà beaucoup.
L’Europe est séduite par ceux qui prônent des sentiments de populisme, de nationalisme et de racisme. C’est la seule chose qui me laisse sans voix. Il vaut mieux ne pas s’aventurer dans des prévisions pour 2017. Les sondages, comme nous l’avons constaté, correspondent de moins en moins à la réalité. Voir le Brexit, puis Trump, et récemment la déferlante du « non » au référendum italien. Ces trois cartes, folles, ont dénaturé en 2106 les codes traditionnels d’interprétation. La raison en est simple : le pouvoir se tourne désormais uniquement vers Wall Street et non pas vers la rue, vers les gens normaux. Les analystes de tous les pays ne parlent qu’avec l’establishment, avec les mêmes interlocuteurs de nos ambassadeurs, au lieu d’essayer de comprendre la révolte qui monte du peuple qui, de plus en plus, les abandonne au profit des extrémismes, hélas, bien plus dangereux.
Si nous ne repartons pas des besoins essentiels des gens, on n’arrivera nulle part. Quand le travail fait défaut, que l’on n’a pas un logement digne de ce nom et que l’on a du mal à se nourrir correctement, on n’a plus d’oreilles pour écouter et entendre. Voilà pourquoi le seul chemin à prendre est celui de la distribution de la richesse. Ce n’est pas l’argent qui manque, qu’on arrête de nous faire croire n’importe quoi. C’est la manière de le distribuer qui est devenue la plus indigne honte mondiale. La caste se nourrit de privilèges et de bien-être. L’Italie en est un exemple. Une caste non seulement politique, mais présente aussi dans tous les secteurs de la société. Il ne s’agit pas de mettre les uns contre les autres dans une sorte de méchant populisme. Pas du tout. Cela serait encore pire. Le temps est désormais compté, et la « distribution raisonnée » de la richesse est la seule solution pour établir la paix sociale. Non seulement dans nos pays dits développés, mais aussi vis-à-vis des pauvres qui frappent à nos portes. De ces générations d’êtres humains, venant d’ailleurs, qui n’ont jamais connu la paix et qui affrontent au quotidien des problèmes indicibles. Sans compter que les migrants peuvent être une ressource pour une Europe épuisée, de plus en plus affaiblie au niveau démographique. Le temps des sauveurs de la patrie est fini. Il faut désormais une voix collective, celle de citoyens, capables de s’opposer au mensonge, de rétablir la vérité.
Cette voix nous l’avons entendue, à RADICI, à deux reprises à la fin de l’année 2016 : le 11 novembre à la Maison de la Mutualité à Paris, et le 19 décembre à la Halle aux Grains de Toulouse, avec près de 3 000 spectateurs en tout. Deux événements à première vue différents, mais en réalité unis par un seul et grand message : plus de paix, plus de solidarité, plus d’unité, plus de bonheur partagé. Ainsi, le concert Toulouse For Italy a permis de récolter des fonds pour les sinistrés d’Italie centrale, tandis que le colloque et le concert organisés à la Maison de la Mutualité à Paris se sont fait l’écho des nombreux hommes, femmes et enfants déshérités qui demandent une dignité niée, non pas par une catastrophe naturelle, mais par la violence humaine.
Nous prions nos lecteurs de bien vouloir nous excuser pour le retard de la publication de ce numéro. Toute l’équipe de la rédaction était mobilisée pour l’organisation de la soirée de solidarité qui a eu lieu à Toulouse le 19 décembre dernier. Un retard certes, mais pour une grande cause, et nous espérons que vous ne nous en tiendrez pas trop rigueur. Auguri !
Rocco Femia
Rocco Femia, éditeur et journaliste, a fait des études de droit en Italie puis s’est installé en France où il vit depuis 30 ans.
En 2002 a fondé le magazine RADICI qui continue de diriger.
Il a à son actif plusieurs publications et de nombreuses collaborations avec des journaux italiens et français.
Livres écrits : A cœur ouvert (1994 Nouvelle Cité éditions) Cette Italie qui m'en chante (collectif - 2005 EDITALIE ) Au cœur des racines et des hommes (collectif - 2007 EDITALIE). ITALIENS 150 ans d'émigration en France et ailleurs - 2011 EDITALIE). ITALIENS, quand les émigrés c'était nous (collectif 2013 - Mediabook livre+CD).
Il est aussi producteur de nombreux spectacles de musiques et de théâtre.