La Calabre, disons-le tout de suite, n’est pas pour les gens pressés. Loin de moi l’idée de faire l’éloge classique d’un tourisme slow qui tombe désormais dans la banalité. Il s’agit au contraire de faire la lumière sur un fait : la Calabre n’existe et ne devient unique que si votre visite devient présence et écoute de son histoire millénaire.
C’est en réalité la manière la plus belle et la plus respectueuse de découvrir un territoire, qui prend progressivement forme et substance au fur et à mesure que l’on rencontre les habitants et le lieu. Ainsi, la première condition pour vivre en profondeur la Calabre est de fuir l’attitude, pour le dire comme Bach, du toccata e fuga. Oui, parce que la Calabre n’est pas habituée à faire sensation, à l’image de Venise ou de Florence, ou encore d’autres villes ou régions plus connues. On ne fait pas étalage de la Calabre ; on y voyage véritablement et on ne la comprend que si l’on a la finesse de percevoir en elle l’invisible enchevêtrement de l’Histoire. Si bien que l’on finit par se demander si l’idée que l’on s’en était fait était réellement la bonne.
Un nouveau récit est en cours dans cette région à bien des égards oubliée, un récit qui veut aller au-delà d’un tourisme fait uniquement de clichés, de mers cristallines et de montagnes verdoyantes, qui demeurent pourtant une réalité. Les racines de cette terre remontent aux riches colonies de la Grande Grèce, mais aussi à la Rome antique. Elle fut traversée par des personnalités qui ont laissé une empreinte indélébile. Des racines byzantines et arabes, mais aussi normandes et souabes, angevines et aragonaises, espagnoles, bourboniennes et, bien sûr, françaises, jusqu’au passage décisif de Garibaldi, prélude à l’unification de l’Italie, pas toujours vécue dans ces contrées comme une véritable libération.
Telle est la Calabre. Différents peuples ont contribué à créer un creuset de cultures et de langues toujours vivantes, rendant cette région unique et spéciale, à laquelle je suis fier d’appartenir pour y être né.
Mais parlons maintenant de littérature. Il y a cent ans naissait Italo Calvino, intellectuel engagé et romancier majeur du XXe siècle. Son œuvre embrasse le réalisme, les expérimentations formelles et les récits fantastiques et allégoriques. Après avoir rejoint la résistance italienne pendant la Seconde Guerre mondiale, il travailla comme journaliste, éditeur et commença à écrire. Voici le portrait d’un écrivain « fantastique » proposé par Alessandro Borelli.
Asia Buconi, quant à elle, a choisi de nous éclairer sur la question cruciale du développement territoriale et du tourisme. Est-il possible de repenser l’avenir des villes d’art aujourd’hui envahies de touristes pas toujours respectueux du patrimoine ? Florence a déclaré la guerre à Airbnb dans son centre historique classé au patrimoine mondial de l’Unesco, un combat déjà en cours à Venise depuis juillet 2022. Dans les Cinque Terre, en Ligurie, il est prévu d’imposer un nombre limité de touristes afin de rendre ces lieux splendides plus vivables, non seulement pour les touristes eux-mêmes, mais aussi et surtout pour les personnes qui y habitent. Désormais, il est clair que le tourisme ne signifie pas seulement la richesse, mais aussi la nécessité de concilier gains et préservation du patrimoine.
Toujours sur le même sujet, nous parlerons, bien que de façon légère, de la dernière campagne du ministère du Tourisme italien et du choix d’une influenceuse inhabituelle pour promouvoir la beauté italienne dans le monde entier. Une star qui vient de notre prestigieux passé de la Renaissance : la Vénus de Botticelli. Cette campagne promotionnelle s’est distinguée par ses nombreuses maladresses et elle suscite encore, plusieurs mois après son lancement, sarcasmes et moqueries dans le monde entier. Mais que s’est-il vraiment passé ? C’est ce que vous découvrirez en lisant l’article.
Nous allons aussi évoquer l’engagement : Lorenzo Tosa rend hommage à une femme courageuse qui nous a quittés il y a quelques mois : Michela Murgia. L’écrivaine sarde est décédée des suites d’un cancer. Engagée dans les questions sociales et humaines, en particulier celles concernant les femmes, Michela Murgia laisse derrière elle une voix libre. Et elle continuera à le faire à travers ses œuvres, car, comme elle le disait, « la façon dont on nomme les choses est la façon dont on finit par les vivre ».
La série sur l’Histoire de l’Italie suscite un vif intérêt de votre part et nous nous en réjouissons. Dans ce numéro, l’accent est mis sur la dynastie des Carolingiens et les luttes de succession qui ont eu lieu sur le territoire italien. Un nouveau chapitre dans lequel l’historien Philippe Foro analysera les phases du conflit qui allait opposer plus tard l’empire germanique à la papauté ainsi que l’éphémère affirmation des puissances musulmane puis normande en Italie du Sud et en Sicile.
Côté cuisine, nous vous proposons un itinéraire gastronomique au cœur du Noël italien. Natale a tavola est l’invitation que la spécialiste de la gastronomie italienne Alessandra Pierini adresse à chacun d’entre vous. Traditions, anecdotes, spécificité et, comme toujours, des recettes délicieuses pour se régaler en famille !
Rocco Femia, éditeur et journaliste, a fait des études de droit en Italie puis s’est installé en France où il vit depuis 30 ans.
En 2002 a fondé le magazine RADICI qui continue de diriger.
Il a à son actif plusieurs publications et de nombreuses collaborations avec des journaux italiens et français.
Livres écrits : A cœur ouvert (1994 Nouvelle Cité éditions) Cette Italie qui m'en chante (collectif - 2005 EDITALIE ) Au cœur des racines et des hommes (collectif - 2007 EDITALIE). ITALIENS 150 ans d'émigration en France et ailleurs - 2011 EDITALIE). ITALIENS, quand les émigrés c'était nous (collectif 2013 - Mediabook livre+CD).
Il est aussi producteur de nombreux spectacles de musiques et de théâtre.