Voici revenu sur le parvis des églises une expression très populaire : « déplacer les foules ». Les premiers tests grandeur nature ne se sont pas fait attendre. A Rome, « les audiences générales, qui voyaient d’ordinaire la participation de quelque 15 à 30 000 personnes sur la place Saint-Pierre, sont suivies depuis plusieurs semaines par près de 70 000 fidèles » indique le site suisse cath.ch, comme à peu de choses près par l’ensemble des médias. France2 faisait ainsi réaliser un plateau en direct à son correspondant Renaud Bernard expliquant l’effervescence romaine, jusque-là disparue, lorsque le pape anime une messe ou se met au balcon.
Et au-delà de la cité Vaticane ? Un ami me racontait la semaine dernière son jeudi de l’ascension dans le sanctuaire de Lourdes : « Tu aurais dû voir ça ! Dans une cathédrale souterraine, bondée, les évêques étaient au milieu des pèlerins et non plus alignés derrière l’autel. Il s’est passé quelque chose dans l’Eglise ». Effet François ? Sans nul doute. Le rassemblement, nommé Diaconia, a réuni ce jeudi-là pas moins de 15 000 pèlerins pour la messe. Son objectif : partager entre chrétiens, l’expérience des deux années précédentes face à la crise et de travailler à une transformation sociale pour venir en aide aux plus fragiles. N’est-ce pas finalement ce que ne cesse de répéter Bergoglio là-bas dans sa cité romaine ?
Alors le produit « François » s’exporterait-il mieux que le modèle « Benoît » ? Pour l’heure, cela ne fait aucun doute à cela. François parlerait plus au peuple, le « pasteur qui prend le métro » renverrait une meilleure image de l’église, plus proche des gens, et cet ancien cardinal du « bout du monde » aurait aussi un potentiel plus légitime pour parler au quart monde. Pain béni pour les Catholiques ! Seulement de là à retoucher ou simplement suivre à la lettre la doctrine sociale de l’Eglise, il y a encore un long chemin (de croix ?) à parcourir. La pieuse et traditionnaliste Italie se convertira sans doute plus rapidement que la France.
La patrie de Voltaire vient de voter la loi sur « le mariage pour tous » et les prêtres que les citoyens voient le plus à la télévision, en ce moment, sont ceux qui défilent pour en demander l’abrogation. « Le mariage homosexuel est un grave recul anthropologique » pour François. Et le pape va même plus loin en expliquant que « ce qui est en jeu, c’est l’identité et la survie de la famille, c’est le refus total de la loi de Dieu ». Avec de tels propos, il est sûr que les cathédrales urbaines tricolores vont largement moins vite se remplir que les paroisses transalpines. Paris n’est pas Rome et encore moins Buenos Aires.
François est un Saint-Père du « parler », il a laissé peu de traces écrites jusqu’à présent, mais cela ne suffit pas à masquer sa ligne de pensée. Que ce soit sur le célibat des prêtres ou l’avortement, aucun infléchissement à attendre. Son effet se portera donc ailleurs, plutôt vers une nouvelle évangélisation et un travail de reconquête des fidèles. Mais à l’heure des rencontres sur internet, de la parité et du droit à mourir dans la dignité, il aura du mal à convaincre des brebis éventuellement égarées qui voudraient retrouver le chemin de l’église, et ce même en tweetant plus que son prédécesseur.
Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.