Les aventures, les nombreux vices et le peu de vertus de la famille la plus controversée de la Renaissance, partie d’Espagne à la conquête du pouvoir. Mais est-ce que tout ce que l’on dit des Borgia est vrai ? RADICI vous invite, en compagnie de Nino Gorio, à découvrir les dessous de leur histoire.
Question : qu’est-ce que la chasteté ? Réponse : une vertu que papes et cardinaux se transmettent de père en fils. La réplique est cruelle, mais pas gratuite : celui qui l’a imaginée avait à l’esprit l’exemple d’une puissante famille italo-espagnole de la Renaissance, dont sont issus des personnages célèbres qui étaient des champions de la « chasteté héréditaire ». Quelques exemples : un cardinal qui eut trois enfants, un pape qui en comptait neuf, et une duchesse qui accoucha de huit hommes différents dont, probablement, le pape et le cardinal déjà mentionnés, qui étaient, en plus, son père et son frère.
Tristement célèbres. On les appelle Borja en Espagne, Borgia en Italie. Un nom qui, dans la Botte, jouit d’une très mauvaise réputation, non sans raison : le cardinal César (1475-1507), une fois abandonné l’habit de pourpre, devint un homme politique et un militaire au cynisme proverbial, qui inspira Le Prince de Machiavel. Son père Rodrigo (1431-1503), alias le pape Alexandre VI, réduisit Rome à une ville-bordel que Luther compara ensuite à Sodome ; enfin, la duchesse Lucrèce (1480-1519), intrigante et peut-être incestueuse, passa à la postérité comme un archétype de féminité négative, pire encore que la sorcière de Blanche Neige.
Nombreux furent les membres de la famille Borgia qui contribuèrent à la création de leur sombre légende, mais plus encore que les autres, Rodrigo, né espagnol, qui devint pape en 1492, l’année de la découverte de l’Amérique. Déjà, avant d’accéder à la plus haute charge de l’Église, il révéla sa vraie nature en achetant le conclave. Un historien romain de l’époque, Stefano Infessura, écrivit qu’une nuit, quatre mules chargées d’argent convoyèrent du palais des Borgia jusqu’à celui d’Ascanio Sforza, cardinal clé pour l’issue du vote. Le lendemain, Rodrigo fut élu et Ascanio devint son vice-chancelier.
Les onze années de pontificat qui suivirent furent une orgie de népotisme, simonie, intrigues, trahisons et sexe. Népotisme : cinq Borgia furent nommés cardinaux et trente autres occupèrent de hautes charges à la cour. Simonie : des dizaines de titres écclésiastiques furent vendus au plus offrant. Intrigues et trahisons : le pape, qui fut d’abord l’ennemi des Français – ces derniers cherchaient alors à mettre la main sur Naples – changea de camp et leur apporta son aide dès qu’ils se dirigèrent vers Rome.
Enfin, orgie de sexe : c’était, pour Alexandre VI, une distraction à plein temps, sans discrétion aucune, sans discrimination de classe ni tabou de parentèle. L’une des amantes du pape était la noble Giulia Farnese, dont la demeure était directement reliée à Saint Pierre. Une autre était l’aubergiste Giovanna Cattanei, dite Vannozza, qui gérait trois établissements du centre ville et donna au pape ses quatre enfants préférés (Jean, César, Lucrèce et Geoffroy). Une troisième, disait-on, était peut-être sa propre fille Lucrèce