31% à Riace et 46% à Lampedusa, voici les scores canon de Salvini dans ces deux cités emblèmes de l’accueil. Son score national avoisine, lui, les 35%. De quel mal l’Italie est-elle donc le nom ? Le même que celui qui touche la France et bien d’autres nations. « Vous êtes bien gentil avec vos bons sentiments mais vous ne vivez pas dans ces villes » me répondront certains salvinistes ou même d’autres électeurs pas forcément encartés.
Mais combien parmi eux, comme moi en France, portent des noms à connotation « étrangère » ?
« Heureusement qu’il y a eu une belle France pour accueillir les Bardella et les Lopez » lançait peu avant le scrutin, lors d’un débat télévisé, Benoit Hamon fondateur de Génération-s à la tête de liste du Rassemblement National.
N’y aurait-il plus d’accueil aujourd’hui, nulle part ? Bien sûr que non. Salvini a-t-il fermé les ports d’Italie ? Bien sûr que non. Reste encore ouvert par exemple celui de l’humaniste maire de Palerme, Leoluca Orlando. Mais alors le ministre de l’Intérieur ment quand il déroule son programme sur l’immigration. Et malgré cela il continue à obtenir plus de voix. Alors pourquoi les électeurs votent-ils pour lui ?
Un allié électoralement moribond
Tout d’abord parce qu’il est toujours difficile d’avouer, y compris à soi-même, qu’on s’est trompé. Et ceci est valable pour les citoyens comme pour les partis. Combien de temps faudra-t-il encore au mouvement Cinq étoiles (après son score désastreux obtenu aux Européennes au vu de celui qu’il avait réalisé aux Législatives) pour entrer en crise frontale avec la Ligue ? Ces mêmes élus qui se veulent sans dieu ni maître se laisseront-ils écraser par celui avec lequel il se sont alliés ? De ce côté-là, rien ne presse pour Salvini, mieux vaut avoir un associé électoralement moribond qu’un compagnon de route aux dents bien affutées prêt à vous dévorer.
En attendant les éventuels remaniements ou rebondissement au conseil italien, l’Union Européenne, elle, revient aux bons souvenirs de la péninsule. Le budget version Premier Ministre Conte, donc Di Maio, donc en fait Salvini désormais, ne passe pas. Et le patron de la Ligue d’être rattrapé par la patrouille, à défaut de se faire tirer les oreilles. Il souhaite une baisse d’impôt généralisée et un taux unique de prélèvement à 15%. Autant dire que la fameuse règle du déficit à moins de 3% du PIB imposée par Bruxelles va voler en éclat.
Et pendant ce temps-là…
Des impôts en baisse, de manière plus que symbolique, voilà certainement de quoi rembourrer un peu plus le matelas d’électeurs de la Ligue. Mais au-delà des scrutins à venir, quel enjeu majeur est en train d’être actuellement occulté ? Salvini fait semblant de faire du social mais pendant ce temps les investissements publics dans le pays n’avancent pas. Voilà des décennies que l’Italie attend une relance de son outil de production. Une éventuelle fusion de Fiat avec Renault ne sauvera en rien l’état général de l’économie nationale.
Côté infrastructures, Salvini a beau brandir sa volonté sans faille de réaliser la très écologiquement contestée ligne ferroviaire Turin-Lyon, cette dernière n’est qu’un écran de fumée. Comme celle qui s’échappe de la démolition-reconstruction du pont routier de Gênes. La voirie reste dans un état déplorable du nord au sud. Et bien triste coïncidence le Ministre en charge de ce chantier, Edoardo Rixi, vient d’être condamné à 3 ans et cinq mois de prison ferme pour des malversations alors qu’il siégeait au parlement régional de Ligurie. Il n’y a pas que l’Europe qui rattrape la Ligue, les affaires aussi…
Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.