Flâner dans Paris un week-end de pluie vous invite parfois à faire des choses que vous n’auriez pas accomplis naturellement. Comme aller voir une exposition d’art contemporain par exemple… Ainsi c’est une satanée bruine qui va me mettre sur la piste de Maurizio Cattelan, après 1h30 d’attente à l’entrée de la Monnaie de Paris.
Je connaissais certaines œuvres de l’artiste comme « la Neuvième Heure », cette représentation de Jean-Paul II écrasé par une météorite qu’on trouvait il y a peu, dans le générique du « Young Pope », la série télévisée de Paolo Sorrentino. J’avais également été curieux de lire dans la presse quelques critiques, mon œil étant surtout attiré par l’œuvre illustrant l’article comme cette tête sortant d’un trou dans un parquet, « Mini-me » qui comme son nom l’indique est une des multiples réalisations le représentant.
Il est peu de dire que dès votre entrée dans l’expo parisienne, vous êtes saisi. « Novecento » fait pendre au dessus de votre tête rien de moins qu’un cheval naturalisé accroché au plafond monumental de l’Hôtel de la Monnaie. « Une simple provocation est oubliée en deux jours, une œuvre réussie durera bien plus longtemps » a déclaré un jour le plasticien italien désormais installé à New-York.
Et que dire de « Him » reproduction en résine d’un Hitler, taille enfant, agenouillé en position de prière, comme implorant le pardon de l’humanité que jamais il ne demanda. Une visiteuse s’arrête face à lui, s’incline pour se mettre à sa hauteur avant de s’interroger : « il avait les yeux verts ? » Puis de s’en aller, dégoûtée, s’exclamant : « Non, vraiment, je ne peux pas ! ». L’œuvre s’est pourtant vendue 17 millions de dollars. Ce qui a fait déclarer à Cattelan dans « Paris Match » : « Le diable fait toujours vendre ». Et de rajouter : « La chose intéressante à propos de cette vente, c’est que ce sont des héritiers de survivants de l’Holocauste qui l’ont achetée. C’est leur revanche définitive. »
Cattelan juste provocateur ? Ce serait trop simple. L’artiste, si l’on en croit les experts dont je ne suis pas, est aussi là pour faire ressortir nos propres angoisses. Je crois qu’il y est parvenu avec moi. Face à ces « gisants », neuf corps recouverts d’un drap blanc, comme en passant à côté de cet homme emmitouflé (SDF ? Migrant ?) intitulé « We », comme pour nous dire que nous pourrions tous lui ressembler un jour.
Dernier clin d’œil, volontaire ou pas, avant la sortie. Dans la boutique de la Monnaie : l’affiche d’une de ses anciennes expositions sur laquelle figure une cuvette de toilette en or massif et sous laquelle il est inscrit « America ». Drôle de coïncidence quelques jours après l’élection de Donald Trump…C’est le privilège des artistes contemporains de rester d’actualité quoi qu’il arrive. Mais faut-il vraiment croire tout ce que nous raconte le plasticien né à Padoue ? Cattelan avait annoncé la fin de sa carrière en 2011. Heureusement, il nous avait menti.
« Not afraid of love », Monnaie de Paris jusqu’au 8 janvier.
Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.