Nombreux sont ceux qui ont essayé de raconter Naples, et personne n’a jamais pleinement réussi. Ne croyez pas que je vais venir, moi aussi, allonger la liste des ingénus qui pensent pouvoir définir en un article l’impossible identité d’une ville et de ses habitants ! Naples est insaisissable et ceux qui écrivent à son propos en tirent à chaque fois une impression différente parce que, tout comme le mystère, Naples dépasse l’entendement : elle est à la fois tout et son contraire. Insaisissable et impossible à résumer en une simple expression. Naples est la reine des nuances, comme le chantait l’un de ses enfants les plus chers, Pino Daniele : « Napule è mille culture / Napule è mille paure ». On ne peut pas la comprendre, on ne peut que l’aimer pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle n’est pas, à l’image de tous les grands amours. C’est ainsi que dans ce numéro, plutôt que vous laisser déambuler parmi les ruelles des Quartiers Espagnols, leurs boutiques artisanales et leurs nombreux « vasci » – en napolitain, « bassi » en italien – , ces habitations en rez-de-chaussée donnant directement sur la rue, avec, pourquoi pas, des photos dignes de cartes postales, nous avons décidé de donner la parole à ses femmes : Voix de femmes est l’article qui racontera la ville à travers certaines des Napolitaines, de naissance ou d’adoption, légendaires ou littéraires, les plus entreprenantes, courageuses, fortes, révolutionnaires ; toutes, à leur manière, ont façonné la ville et son caractère complexe. Naples est aussi la seule ville au monde à posséder autant de châteaux et forteresses, construits à des époques différentes à l’intérieur des murs qui défendaient les habitations des attaques provenant de la mer. Vous découvrirez certains de ceux qui ont résisté au temps et sont encore visitables. Vous découvrirez ensuite un vaste patrimoine d’églises et de couvents, dont la construction s’est effectuée sur dix-sept siècles et qui a valu à Naples l’appellation de « ville aux cinq-cents coupoles ». Mais le génie napolitain affleure aussi dans le domaine de l’invention. Les pâtes de blé dur, la fourchette à quatre dents, l’ascenseur, ne sont que quelques-unes des infinies idées napolitaines qui ont sublimé l’existant et changé notre quotidien. Nous avons choisi six inventions, peu connues, d’hier et d’aujourd’hui. Toutes sont napolitaines.
De ce premier numéro de l’année 2021, il ne pouvait pas être absent, lui, l’Italien par excellence : Dante Alighieri, le grand poète et père de la langue italienne. En cette année où l’Italie (le Bel Paese, aurait-il dit) célèbre le sept-centième anniversaire de sa disparition, nous avons demandé à Alessandro Barbero, universitaire et grand divulgateur, des éclairages concernant la vie du poète, mais aussi son temps. Il en résulte l’image d’un Moyen Âge tourmenté, divisé et sur le point de conclure l’expérience des Communes. Lire la Divine Comédie, en effet, est comme regarder l’Italie du XIVe siècle au microscope : on y voit des politiciens corrompus, des papes trop « terriens », mais aussi des souverains éclairés et des esprits savants. Bien sûr, si aujourd’hui nous parlons italien, c’est aussi grâce à Dante Alighieri. L’histoire est bien connue, nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises dans ces pages : le Sommo Poeta conféra dignité littéraire à la langue florentine en l’adoptant pour la rédaction de son œuvre. Le poème devint un best-seller (pour l’époque) et le florentin s’imposa. Mais jusqu’alors, comment parlait-on, comment écrivait-on en Italie ? Combien y avait-il de langues dans le pays ? Est-il vrai que si les Français ne s’en étaient pas mêlés, les Italiens parleraient aujourd’hui sicilien ? Voilà quelques-unes des questions abordées dans ce numéro de RADICI.
L’actualité, pour sa part, est là pour nous rappeler l’un des vices les plus anciens que l’Italie traîne derrière elle : son besoin d’un homme seul aux commandes, de l’homme de la Providence (évidemment ce n’est jamais une femme). C’est comme ça. C’est ce que nous avons systématiquement fait, à chaque fois que l’Italie s’est retrouvée aux prises avec une crise politique, sociale ou économique. Cette fois-ci, le Palazzo Chigi (siège du gouvernement italien) est entre les mains « providentielles » de Mario Draghi, Super Mario, qui a pris la place du banal avocat qu’est Giuseppe Conte. Lorenzo Tosa et Vincent Engel se livrent à leur désormais traditionnel ping-pong à ce propos, s’interrogeant tour à tour sur l’histoire et l’origine de ces hommes providentiels italiens.
Heureusement, Davide Turrini nous rappelle que l’homme ne vit pas que de politique, mais bien aussi de cinéma. Un ceinturon et une paire de bottes suspendus qui traînent dans le sable du désert. Cela ne vous dit rien ? Un cowboy, allongé sur un brancard, qui baille sous un chapeau couvrant son visage et la caméra qui zoome d’abord sur le personnage entier avant de se déplacer vers ses pieds nus. Oui, sur ce brancard somnole, tranquille, Terence Hill. Lo chiamavano Trinità… comment ne pas s’en souvenir. Le film, sorti le 22 décembre 1970, fut un succès énorme autant qu’inattendu. Terence Hill se raconte pour RADICI dans une interview riche de souvenirs. Et il voudrait bien distribuer quelques gifles, mais à une certaine politique qui ne s’occupe pas des problèmes des gens. D’ailleurs, pour mémoire : Dieu pardonne… moi pas !
Rocco Femia, éditeur et journaliste, a fait des études de droit en Italie puis s’est installé en France où il vit depuis 30 ans.
En 2002 a fondé le magazine RADICI qui continue de diriger.
Il a à son actif plusieurs publications et de nombreuses collaborations avec des journaux italiens et français.
Livres écrits : A cœur ouvert (1994 Nouvelle Cité éditions) Cette Italie qui m'en chante (collectif - 2005 EDITALIE ) Au cœur des racines et des hommes (collectif - 2007 EDITALIE). ITALIENS 150 ans d'émigration en France et ailleurs - 2011 EDITALIE). ITALIENS, quand les émigrés c'était nous (collectif 2013 - Mediabook livre+CD).
Il est aussi producteur de nombreux spectacles de musiques et de théâtre.