Après le succès retentissant des athlètes italiens aux Championnats d’Europe de Rome il y a quelques semaines, tous les regards sont tournés vers les Jeux Olympiques de Paris 2024. Trois cents athlètes italiens issus de 28 disciplines différentes représenteront l’Italie en France, à en juger par l’histoire de certains, sous le signe du multiculturalisme.

ASIA BUCONI

Deux grands noms du sport italien seront les porte-drapeaux de la Péninsule lors de la très attendue cérémonie d’ouverture : le spécialiste du saut en hauteur Gianmarco Tamberi, Gimbo comme le surnomment affectueusement ses supporters, et l’escrimeuse Arianna Errigo. Le premier, déjà champion d’Europe, champion du monde et champion olympique à Tokyo 2020, est fin prêt, comme en témoigne sa médaille d’or aux championnats d’Europe de juin dernier à Rome, où il a établi un nouveau record européen avec un saut de 2,37 mètres, la performance qui l’avait déjà couronné champion olympique. La fleurettiste Arianna Errigo vivra, elle, sa quatrième participation aux Jeux olympiques. Âgée de 36 ans, elle y a déjà remporté une médaille d’or, une médaille d’argent et une médaille de bronze. Grâce à elle, l’escrime devient le sport italien qui a fourni le plus de porte-drapeaux. 

Comme nous le disions, avant même le rendez-vous des Jeux, c’est l’athlétisme italien qui a écrit une page inoubliable du sport lors des récents Championnats d’Europe 2024 à Rome, récoltant un nombre record de médailles en une poignée de jours seulement. Un résultat extraordinaire également en raison du message d’intégration et de multiculturalisme que ces victoires ont pu transmettre au grand public, au nom des différences culturelles qui ont représenté une fois de plus la véritable valeur ajoutée et la clé pour obtenir ces grands succès malgré certains discours racistes. 

Il suffit de penser au doublé historique dans le semi-marathon, avec l’or de Yeman Crippa – un Éthiopien adopté par une famille milanaise, qui sera également présent aux Jeux olympiques de Paris – et l’argent du Piémontais Pietro Riva. 

Parmi les champions les plus attendus figure également Marcell Jacobs, qui courra à Paris après avoir remporté un extraordinaire doublé aux 100 mètres – avec Chituru Ali, né à Côme d’une mère nigériane et d’un père ghanéen – la compétition reine du sprint. Lors des récents Championnats d’Europe de Rome, Lorenzo Simonelli – né en Tanzanie d’un père italien et d’une mère tanzanienne –, qui courra en France, a dominé le 110 mètres haies, établissant un nouveau record d’Italie. Aux Jeux olympiques, il y aura également le jeune Mattia Furlani – né à Grottaferrata d’une mère sénégalaise – qui a établi le record du monde des moins de 20 ans au saut en longueur en remportant l’argent avec un saut à 8,38 mètres, et la sprinteuse Zaynab Dosso – née en Côte d’Ivoire et arrivée en Italie à l’âge de 10 ans.

Comme on peut le constater, c’est un mélange d’histoires et de lieux différents qui se retrouvent sous le drapeau tricolore italien et qui ne manquent pas de faire réfléchir sur la véritable signification du mot « italianité ». Et qui sait si ce ne sera pas précisément le sport qui poussera à entamer un processus d’intégration qui peine à se mettre en place, compte tenu de la législation actuelle.

L’Italie célèbre aujourd’hui les succès d’une « diversité » qui lui appartient mais qu’elle a encore du mal à accepter. Depuis plus de dix ans, la Péninsule attend en vain l’approbation d’une loi – appelée parfois ius soli ou ius culturae – qui permettrait l’accès à la citoyenneté par la naissance ou la réalisation du parcours scolaire. Le thème du racisme, que la revue RADICI a traité à plusieurs reprises, est encore trop présent en Italie. Il suffit de rappeler le cas de Paola Egonu l’attaquante de l’équipe de volley italienne – dont la présence à Paris est confirmée – qui, après la petite finale des championnats du monde pour les 3e et 4e places, s’était laissée aller à un déchaînement de colère pour dénoncer les discriminations dont elle était victime sur et en dehors du terrain en raison de la couleur de sa peau. À cet égard, la récente réponse apportée par Yeman Crippa au magazine Vanity Fair, qui l’interrogeait au sujet de l’intégration est éclairante : « S’il s’agissait d’un marathon, en Italie, à quel kilomètre serions-nous ? » Réponse : « Je vois une situation qui s’améliore beaucoup, mais je pense qu’il y a encore un long chemin à parcourir. Personnellement, je n’ai jamais été confronté à des épisodes de discrimination ; ni moi ni mes frères ne l’avons été. Mais j’ai des amis qui en ont fait l’expérience, je suis donc très conscient du problème. S’il s’agissait d’un marathon, je dirais que nous en sommes au trentième kilomètre. Qui est aussi l’un des passages les plus difficiles ». 

Parmi les sportifs les plus attendus à Paris, impossible d’oublier Jannik Sinner qui est justement devenu en France, à la faveur de la blessure de Novak Djokovic, le numéro un mondial du tennis, le premier Italien à y parvenir. Les Jeux olympiques, de son propre aveu, restent l’un de ses principaux objectifs à atteindre au cours cette saison. Mais le tennis, c’est aussi Jasmine Paolini, qui se prépare pour les Jeux après avoir atteint la première finale de sa carrière dans un tournoi du Grand Chelem, à Roland Garros. Bref, l’Italie veut battre des records à Paris. Suivons-les donc, avec des attentes légitimes et compréhensibles, au cri de Forza Azzurri !

A.B.