Ces temps-ci, mes amis ne me charrient plus sur l’Italie. Ils savent que la situation là-bas est désormais trop grave pour en plaisanter. Pourtant, même sous la période berlusconienne, les plaisanteries fusaient, et ce, alors que le Cavaliere ne cessait de revenir aux commandes et a ainsi plombé le pays pendant deux décennies, tant sur le plan moral qu’économique.
Mais aujourd’hui, l’heure n’est plus à la boutade. Simplement par respect ou sympathie ? Non, je ne le crois pas. Les français, et d’autres peuples européens, ne veulent plus plaisanter de l’Italie parce que ce qu’il s’y passe pourrait, selon plusieurs analystes de la vie politique, tout aussi bien arriver ailleurs. L’Italie a même souvent été présentée par les éditorialistes voire même certains historiens comme l’avant-garde politique de qu’ont connus par la suite ses voisins. La poussée fasciste de l’entre-deux guerres constitue régulièrement l’incarnation de cette théorie.
« Espagne : la peur du syndrome italien » titre, en ce mois de février, « Courrier International » reprenant un article du quotidien ibérique « El Païs ». « Bruxelles craint que la quatrième économie de la zone Euro ne soit contaminée par l’instabilité politique que connaît l’Italie depuis des années, laquelle a débouché sur un gouvernement eurosceptique et populiste » écrit Bernardo De Miguel. « La possibilité d’une autre Italie n’est pas à exclure » lui confie une source liée à la Communauté Européenne.
Signe révélateur majeur de ces tensions entre Rome et Paris, les dirigeants des grandes entreprises des deux pays n’hésitent pas à afficher eux aussi leur inquiétude. Ils étaient réunis les 28 février et 1er mars derniers à Versailles pour leur deuxième forum économique franco-italien. Evidemment leur priorité reste que les échanges d’amabilité entre leurs gouvernements respectifs ne rejaillissent pas sur leurs affaires. Mais, au-delà des bilans de chaque groupe, ce sont des emplois et des grands projets, sans évoquer forcément le très controversé TGV Lyon-Turin, qui sont en jeu.
Beppe Sala, maire de Milan et organisateur de cette manifestation a déclaré ceci : « Nous sommes à un tournant de notre société, à un tournant entre l’ouverture et la fermeture ». Je crois qu’il a raison.
Patrick noviello
Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.