« Un Berlusconi de gauche ? » s’interroge Jacques de Saint-Victor dans « Le Figaro » au sujet de Matteo Renzi. A l’heure où la droite espagnole conserve son leadership national, où le Front National fait une percée historique en France, on est en droit de se demander comment la gauche italienne réussit à virer en tête de ces européennes, qui plus est avec 40% des voix ! Peut-être parce que ce n’est plus vraiment la gauche ? C’est ce que l’on dit également de Valls en France : « Ce n’est pas un socialiste ». Sauf que Valls, à qui les analystes ont souvent prêté trop de similitudes avec Renzi, n’obtient pas (encore ?) les mêmes résultats que son homologue italien.
« Renzi correspond par certains côtés aux populistes qu’il combat » surenchérit De Saint-Victor. Seulement n’est-on pas obligé de verser là-dedans aujourd’hui pour être « populaire » justement ? Et De Saint-Victor de poursuivre en expliquant que Renzi donne de l’espoir là où Grillo donne de la rage. En France, point de salut sans rigueur ou austérité, quant à l’espoir, il n’est pas encore à l’ordre du jour. Mais la crise est pourtant là des deux côtés des Alpes, non ?
Alors qu’est-ce qui fait la différence ? L’homme ? Pour de Saint-Victor, c’est bien l’attitude qui tranche entre Renzi et Valls. Parce que les remèdes des gauches françaises ou italiennes à la crise (légères baisses d’impôts notamment) sont grosso modo les mêmes. Seraient-ce donc les mots et les gestes qui comptent ? Fier de sa nation mais ouvert aux autres cultures, européen convaincu mais non candide, Renzi sait souffler le chaud et le froid en fonction de son opinion publique, là où les socialistes français semblent souvent inflexibles face au peuple.
Pour Massimo Cacciari, aucun doute à avoir : « Hollande doit sortir des recettes de la vieille gauche et s’inspirer de la rupture de Matteo Renzi ». Interrogé par Libération, l’ancien maire de Venise constate un effondrement des partis traditionnels. « Si Mattéo Renzi réussit là où François Hollande échoue, c’est parce qu’il n’est pas perçu comme un socialiste (…) Matteo Renzi a pu émerger en Italie parce que la gauche s’est suicidée ». Le Président français a-t-il compris le message ?
Renzi et lui ont été vus très proches au conseil européen des chefs d’Etat, tous deux souhaitant un changement de politique de l’UE mais l’un en positon de force, l’autre en situation plus délicate, un FN accroché à ses bottes. L’italien peut maintenant exiger, le français demande, voire espère. Les élections forgent les hommes, surtout quand comme ces deux là on a accédé directement à l’étage supérieur du pouvoir (ni Renzi, ni Hollande n’ont été ministres).
Ces européennes ont donc rendu Renzi plus solide et Hollande plus faible. Le premier ministre italien est désormais le seul chef de gouvernement en exercice avec Angela Merkel à être conforté par ce scrutin. Il devient l’homme fort du socialisme sur notre continent. De bon augure quand on sait que l’Italie prendra au second trimestre la présidence tournante du conseil européen.
Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.