Sur la photo, Riccardo Gatti embrasse un immigrant à peine sauvé. Riccardo est le chef de la mission Open Arms, le seul navire de sauvetage présent actuellement en Méditerranée. Celui qui, début novembre, a sauvé en mer 100 femmes et hommes venant du bout du monde, dont le petit Joseph qui n’a malheureusement pas survécu et qui repose pour toujours au cimetière de Lampedusa.
Riccardo Gatti a ensuite témoigné à la télévision italienne en dénonçant le fait que le système de recherche et de sauvetage des personnes en mer a été anéanti. Entre 2016 et 2017, en Méditerranée, il y avait jusqu’à 12 navires d’ONG coordonnés par les garde-côtes italiens que Gatti définit comme « l’un des meilleurs corps de sauvetage en mer ». Désormais, ils sont seuls, et « Frontex (l’agence européenne) ne fait pas ce qu’elle devrait faire, malgré l’obligation de la loi, malgré les conventions internationales, malgré les obligations éthiques et morales ».
Et l’humanité est une fois de plus bafouée avec les 7 navires toujours bloqués dans les ports italiens en raison d’arrêts administratifs « ridicules » surtout au vu des 900 morts (estimation basse) comptabilisés en Méditerranée.
En ce qui concerne l’immobilisation de navires dans les ports italiens, Riccardo Gatti explique que quand des scellés ont été posés sur son navire, c’est uniquement parce que du pain avait été trouvé dans le congélateur. Du pain au congélateur. Une insulte à l’intelligence. D’autre fois, les navires ont été bloqués parce que les gilets de sauvetage étaient en nombre supérieur à celui autorisé « par la loi », ou parce que le nombre de naufragés qui étaient transportés à bord dépassait le nombre certifié. Comme si, face à 100 migrants sur le point de se noyer, les volontaires devaient regarder le certificat de leur bateau et choisir qui sauver et qui laisser en mer.

« La vérité – dit le chef de mission d’Open Arms – est que nous sommes des témoins qui suscite un malaise, nous racontons ce qui se passe vraiment en mer, les morts, les refoulements, les trafics ». Et, dans ces cas, le dicton qui dit « œil qui ne voit pas, cœur qui ne fait pas mal » est bien vrai. Eh oui, moins il y a d’yeux, mieux c’est. Mais Riccardo et ses amis ne veulent pas fermer les yeux, ils veulent, au contraire, y voir clair parce qu’ils ont mal au cœur. Et Joseph ne peut pas être mort en vain.
Alors, il est légitime pour nous, aujourd’hui, de nous poser une question : pourquoi de nombreux navires de sauvetage sont-ils restés inactifs pendant des mois malgré le respect des exigences légales ? Ce gouvernement entend-il vraiment marquer une interruption profonde avec la saison des refoulements, des détournements de navires et des blocus en mer ? Une saison qui nous a fait avoir honte d’être Italiens, et où les volontaires des ONG étaient devenus la cible favorite de la machine à boue des populistes et xénophobes de chez nous.
Aujourd’hui, nous voudrions savoir si c’est la boussole de l’humanité et de la solidarité qui guide le choix du gouvernement italien, ou si la solution choisie est celle du silence et de l’indifférence.
Voilà, juste pour qu’on le sache et pour nous en souvenir quand il sera temps de faire nos choix.

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Rocco Femia, éditeur et journaliste, a fait des études de droit en Italie puis s’est installé en France où il vit depuis 30 ans.
En 2002 a fondé le magazine RADICI qui continue de diriger.
Il a à son actif plusieurs publications et de nombreuses collaborations avec des journaux italiens et français.
Livres écrits : A cœur ouvert (1994 Nouvelle Cité éditions) Cette Italie qui m'en chante (collectif - 2005 EDITALIE ) Au cœur des racines et des hommes (collectif - 2007 EDITALIE). ITALIENS 150 ans d'émigration en France et ailleurs - 2011 EDITALIE). ITALIENS, quand les émigrés c'était nous (collectif 2013 - Mediabook livre+CD).
Il est aussi producteur de nombreux spectacles de musiques et de théâtre.