Et si, pour une fois, nous commencions par la fin, par aujourd’hui et demain plutôt que par hier ? Comment résumer le défi face auquel l’Italie va jouer son avenir : un challenge qu’elle peut perdre si elle occulte son passé migratoire ? En clôture du colloque « RITALS », Marc Lazar, politologue et expert de la Péninsule, pose la bonne question : que fait-on de tous ces nouveaux Italiens ? À ses côtés, Giusi Nicolini, maire de Lampedusa. La réponse passe, selon elle, par un changement de la loi sur le droit d’asile.
Au-delà du cas de Lampedusa, (voir l’intervention de Giusi Nicolini), l’Italie doit aujourd’hui prendre conscience de sa nouvelle multiculturalité. Cette transformation récente du pays est clairement décrite par le jeune réalisateur et docteur en sociologie Andrea Segre, alors qu’il est interrogé sur ses motivations par le spécialiste du cinéma italien Jean A. Gili : « Quand j’étais écolier à Padoue, mon camarade le plus exotique venait de Bologne. Aujourd’hui, la classe de ma fille regroupe des élèves de huit nationalités issues de trois continents différents ». Son film, La Petite Venise (Io sono Li) relate cette nouvelle donne à travers la rencontre d’une jeune Chinoise gérante d’un bar et d’un vieux pêcheur d’origine slave à Chioggia, au sud de Venise.
Les clandestins d’aujourd’hui
Et si l’histoire, tout en inversant les rôles, se répétait ? Les nouveaux immigrés de la Péninsule exercent en effet les emplois dont les Italiens ne veulent pas. « Mais combien de temps va-t-on les cantonner à ces métiers », interroge Marc Lazar. Les jeunes Italiens, eux, sont de plus en plus surdiplômés et sont obligés de quitter à leur tour le pays. « Il y a huit mois, à San Diego, en Californie, j’ai vu certains de mes jeunes compatriotes, clandestins, travailler comme serveurs dans des bars tenus par des sud-américains », explique le réalisateur Andrea Segre. Et le documentariste de poursuivre : « …Ils préfèrent faire le métier de serveur là-bas, dans l’anonymat absolu, plutôt qu’en Italie où ils le vivraient comme une véritable honte ».
Autre génération, mais même regard affûté de cinéaste, Giuliano Montaldo joue les passeurs entre présent et passé. « Notre pays est redevenu un pays sans travail. Alors les jeunes s’en vont, comme avant, mais cette fois-ci sans la valise en carton […] Or, si l’Italie abandonne ces jeunes qui ont du talent, notre pays est foutu », déclare sur scène le réalisateur de Sacco et Vanzetti.
C’est au tour du réalisateur Giuseppe Tornatore, Oscar du meilleur film étranger pour Nuovo Cinema Paradiso, de tresser les louanges de ces journées culturelles qui parviennent à traiter de sujets difficiles dans la convivialité. Comme si, au fond, c’étaient le rire et le sourire qui manquaient à notre société.
Alors, pour bâtir ce futur, il faut réfléchir sur le passé. C’est Marie-Claude Blanc-Chaléard, historienne et consultante pour le Musée d’Histoire de l’Immigration de Paris, qui commence en dressant un panorama des « Petites Italie en France ». Elle plante, en quelque sorte, le décor de ce passé mille fois refoulé au sein des familles émigrées comme dans les manuels scolaires. Celui qui place « derrière le prolétaire, l’image de l’étranger détesté car sale, violent, joueur de couteau ». Cette image dont les Italiens ont été affublés et qu’ils semblent avoir oubliée aujourd’hui.