Le théâtre, pour lequel Toni Servillo quitte l’université. Son premier film à 40 ans. Aujourd’hui, alors qu’il est une star sur scène et à l’écran, c’est dans la musique qu’il cherche à relever des défis.
Sans crainte de rivaux, Toni Servillo est aujourd’hui l’acteur total de la scène artistique italienne. Il n’y a pas si longtemps, Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni et Gianmaria Volonté avaient en commun notoriété et capacité d’être « grands » autant à l’écran que sur scène. Aujourd’hui, il n’y a que Toni Servillo. Au cinéma, où il semble que plus aucun rôle exigeant ne puisse se faire sans lui. Au théâtre, où il remplit les salles grâce aux centaines de représentations de ses mises en scène. Ce succès est le fruit de longues réflexions, d’une vraie tension culturelle, d’affinités électives et de la collaboration avec d’autres artistes, notamment le réalisateur Paolo Sorrentino qui, en lui confiant le rôle de Jep Gambardella dans La Grande Bellezza, – et en remportant un Oscar en grande partie grâce à cette interprétation –, a consacré les talents de l’acteur aux yeux du monde.
La rencontre avec Toni Servillo a lieu dans une loge du théâtre Argentina de Rome avant l’une des dernières représentations italiennes de Le Voci di Dentro, d’Eduardo De Filippo, spectacle qui tourne depuis deux ans en Italie et à l’étranger, toujours à guichet fermé. Toni Servillo a réussi à renouveler ce texte tout en restant fidèle à Eduardo de Filippo, grâce à une alchimie qui s’empare du spectateur, l’enchante et l’entraîne dans un processus dont il perçoit les aspects créatifs.
Êtes-vous d’accord avec ce préambule ? Vous faites un théâtre qui est à la fois le vôtre et celui de l’auteur…
Vous me flattez avec votre question, parce que je sens que je suis compris dans mes intentions, qui sont celles d’un interprète qui creuse dans le texte, comme une taupe. J’estime être un interprète dans la mesure où j’essaie de réveiller les valeurs émotives et intellectuelles d’un texte pour les restituer, dans toute leur vivacité, à l’intérieur de ce magnifique triangle qui se crée à chaque fois entre l’acteur, le texte et le public. Ma fidélité n’est ni muséale ni timide.
Comment est-elle, alors, cette fidélité ?
Elle est comme celle des grands chefs d’orchestre qui se mesurent aux symphonies de Beethoven en les faisant leurs, sans pour autant déconcerter le public. Mais elle est aussi celle d’un artisan qui, soir après soir, a pour matière première le texte, le corps, le contact avec ses émotions les plus intimes, et la façon dont il gère les relations entre quinze personnes qui vivent ensemble pendant des années. Ma compagnie partage avec moi la conviction que le théâtre est désormais le seul lieu, avec la poésie, qui a pour impératif la parole.