Pour moi Trintignant restera à jamais Roberto, le jeune étudiant réservé que Gassman trimballe dans son coupé sport de Rome à Viareggio dans le fanfaron (« Il Sorpasso »). Roberto c’était moi au même âge, rêvant d’aventure mais bien collé à ses révisions pour assurer l’avenir. Et puis, un jour ou l’autre, ont rencontrée tous un Gassman qui nous inquiète autant qu’il nous attire.
Trintignant c’est cet air effaré, ce sourire timide, cette moue gênée que Dino Risi a su saisir avec justesse. Gassman donne l’impression d’écraser tout sur son passage, au propre comme au figuré. Mais il n’occulte pas son partenaire. Au contraire, il lui donne, derrière cet effacement feint, toute sa dimension.
Et derrière encore, quel brio… Trintignant a tout au long de sa carrière prouvé qu’il était plus que cet acteur tout en retenue. Encore plus que Gassman sans doute, il était aussi un séducteur. A l’occasion des hommages qui lui ont été rendus, Arte a rediffusé « le train » de Pierre Granier-Deferre. Il y tombe amoureux de Romy Schneider. Une liaison aussi imprévue que puissante. Une liaison qui tourne au drame avant même sa conclusion.
« Il Sorpasso » (le dépassement) résume aussi cette course folle de Trintignant à l’écran. Quelque chose qui se noue, s’entrelace et qui bout. Un drame arrivera forcément, on le sait, on le sent. Alors en attendant on bouffe la vie à pleine dent. Comme sur les planches de Deauville, comme dans cet autre bolide du Rallye de Monte-Carlo.
Certains disent que Trintignant est mort avec sa fille Marie. Pour moi Trintignant est mort en haut de cette corniche sur la via Aurelia. Et je reverrai cent fois « le fanfaron » espérant que la fin change et que Trintignant soit toujours là.
Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.