Après le succès du livre Cette Italie qui m’en chante , notre maison d’édition a décidé de produire un nouveau volume de chants, plus ambitieux. Pour le diriger, nous avons fait appel à l’un des plus grands experts italiens du chant populaire et traditionnel, que beaucoup d’entre vous connaissent déjà : Gualtiero Bertelli. Celui-là même qui a mis en musique le spectacle qui connaît actuellement un vif succès ITALIENS quand les émigrés c’était nous. Un livre, donc, sur le point de sortir, riche de plus de 400 chansons et enrichi cette fois des partitions.
J’avoue que quand la revue RADICI m’a demandé de composer un livre de chants italiens, j’ai pensé : l’idée est bonne, mais je ne voudrais pas que l’on risque de tomber dans le traditionnel recueil toujours composé des mêmes chants. L’autre difficulté résidait dans le fait de devoir opérer une sélection, au vu du nombre impressionnant de chansons qui composent le patrimoine musical italien. Et puis, le miracle. D’abord la disposition de l’éditeur à ne pas compter le nombre de pages et sa volonté de construire un ouvrage véritablement unique en son genre. Un livre pratique et à utiliser seul, en compagnie ou dans une chorale. Un livre accompagné, et c’est là sa nouveauté, de la musique et des partitions. Ainsi, je me suis rendu compte qu’il y avait véritablement un beau défi à relever. Alors sans plus hésiter, je me suis mis au travail, repêchant dans mes notes et mes souvenirs. Un livre à chanter, donc, et pas seulement à lire.
Un ouvrage important qui pour beaucoup réveillera des souvenirs personnels ou familiaux, qui, pour d’autres, sera source de découvertes nouvelles ou, du moins, supplémentaires. Vous y trouverez des conseils, des suggestions, des éléments liés à un morceau de notre culture à part entière, de notre histoire ou de nos racines plus profondes.
Le stéréotype universellement répandu veut que l’Italie soit le pays du Bel canto, au sens de chant cultivé, lyrique, et des mandolines. Du reste, la mélodie italienne en est le porte-drapeau dans le monde. Tout ceci est vrai. Mais nous ne devons pas oublier les cent autres modes d’expression musicale de notre pays. L’Italie, en plus de posséder cent façons de préparer les pâtes, a également cent façons de chanter l’amour, le travail, la joie d’être ensemble, la douleur des défaites, la peur de la guerre, le désir de liberté. Avec cette nouvelle publication, nous voulons offrir un vaste espace de représentativité à tout cela : au Bel canto et à “l’autre” chant, que notre amour largement partisan nous pousse à qualifier de magnifique et unique.
Un livre qui veut fournir des instruments concrets pour faciliter l’apprentissage des chansons dans leurs usages variés et à travers les activités qui leur sont liées : le chant, l’étude de la musique, la recherche historique et documentaire. Mais que trouverez-vous alors dans cette prochaine publication ? L’ouvrage comprend trois grandes sections constituées d’un riche matériel qui est le fruit d’une recherche longue de plusieurs années mais aussi de précieuses collaborations.
Dans la 1re section, vous apprendrez comment le chant populaire « a représenté » la vie. Dans cette première partie sont rassemblés les chants de diverses régions italiennes, qui parcourent les différentes périodes et histoires de la vie des hommes et des femmes du peuple : les thèmes de la rencontre, de la naissance et de l’éducation des enfants, du travail, des relations sociales, de la religiosité et de la ritualité. On trouvera à ce titre quelques berceuses édifiantes de réalisme (« Dormi mia bella dormi ») et même quelques chants para-liturgiques qui dépeignent de véritables scènes de vie réellement vécues.
Dans la 2e section, vous verrez comment le chant populaire et le chant d’auteur « ont raconté » l’histoire italienne. Les vieilles ballades, par exemple, qui ont souvent transfiguré les événements historiques en les transformant en récits pour les grands et les petits : il en est ainsi de la Donna Lombarda d’une ballade très répandue d’origine médiévale ou bien de l’histoire de La povera Cecilia.
Vous découvrirez aussi l’utilisation à partir de la fin du XVIIIe siècle et jusqu’à aujourd’hui des « feuilles volantes », les Cantastorie, les petites strophes spontanées du peuple, les patriotes, les militants politiques et syndicaux qui ont ponctuellement raconté la longue histoire de l’Unité italienne, les héros et les mythes du Risorgimento, les contradictions et les problèmes de l’État naissant, les guerres, les tourments et les succès de la Péninsule au cours de son histoire. Presque à la manière d’une longue bande originale passionnante qui arrive jusqu’à nos jours et continue à nous accompagner quotidiennement. En plus de l’épopée du Risorgimento, parfois asservie à l’hagiographie un peu trop « patriotique », vous trouverez dans cette section une centaine de chants qui ont mobilisé et ému les vrais patriotes qui n’ont jamais cessé, hier comme aujourd’hui, de lutter pour la liberté et pour la démocratie. Vous aurez accès, grâce à ce livre, à l’histoire de nombreuses chansons et aux contextes dans lesquels elles sont nées, ainsi qu’à de larges explications raisonnées qui puisent à des sources les plus diverses et parfois opposées.
Et enfin une 3e section dédiée à la manière dont l’Italie « a chanté et chante » dans le monde. Cette troisième et dernière partie est consacrée aux chants qui ont raconté l’Italie à l’étranger. De la grande chanson napolitaine (qui ne connaît pas O sole mio, Era de maggio, Malafemmena et des centaines d’autres véritables chef d’œuvres?) aux romances, filles du Bel canto lyrique, comme celles, immortelles, de Francesco Paolo Tosti qui dédia à ce genre toute sa vie de compositeur et de chanteur, ou celles de grands compositeurs lyriques comme Giacomo Puccini ou Ruggero Leoncavallo.
Des « morceaux de patrie » que chaque migrant a emportés avec lui dans les mille pays de notre exode (Trenta giorni di nave a vapore, Mamma mia dammi 100 lire, L’altro giorno andando in Francia…), aux grands succès contemporains traduits et chantés dans de nombreuses langues, dont le plus célèbre est certainement Nel blu dipinto di blu, universellement connu sous le nom de Volare du grand Domenico Modugno. Vous trouverez facilement au fil de ces pages les chansons italiennes que vous avez écoutées plusieurs fois et souvent fredonnées.
Il s’agit donc d’un livre à lire, mais surtout à chanter. Et c’est pour cette raison que tous les textes des chansons sont accompagnés de la reproduction de la ligne mélodique et du chiffrage des accords qui en composent l’harmonie, de manière à ce qu’il soit aisé non seulement de chanter, mais aussi de jouer les différents airs, tant pour les musiciens experts que pour les dilettantes. Chaque morceau reporte également le tempo du métronome qui permet d’identifier la vitesse rythmique à laquelle était exécuté le chant à l’origine.
Et ce n’est pas tout. Pour ceux qui voudront approfondir leur connaissance de ce répertoire extraordinaire, nous avons ajouté, pour chacun des chants, des notices explicatives sur leur signification, leur lieu de provenance, concernant les chercheurs et les informateurs (lorsqu’ils sont connus), les éventuels enregistrements ou publications les plus représentatifs. En outre, en relation avec des thèmes d’intérêt historique ou ethnologique particulier, vous trouverez des contributions brèves mais profondes de chercheurs et de savants comme Costantino Nigra, Roberto Leydi, Alan Lomax, Giovanna Marini ou Caterina Bueno, qui offriront suggestions et indications pour d’éventuels approfondissements ultérieurs. Le tout dans un langage simple et accessible et, évidemment, en français. Sauf les chants, naturellement ! Une bibliographie significative ainsi que la présence d’index vous permettront de vous déplacer aisément à l’intérieur de l’ouvrage pour trouver les chansons qui vous intéressent.
De mon côté, je vous avoue que c’est avec grand plaisir que j’ai entrepris ce travail de réorganisation et de fouille à l’intérieur d’une connaissance qui s’était stratifiée au cours d’années de recherches, d’écoutes, de concerts et de spectacles réalisés avec des musiciens qui, comme moi, ont consacré beaucoup de leur énergie afin que de tels patrimoines ne se perdent pas.
Les remettre, grâce au courage de RADICI, entre les mains des lecteurs et des musiciens français dont l’intérêt pour la culture n’est plus à prouver me remplit de satisfaction et me fait espérer que ces voix d’une autre Italie trouveront aussi une place importante dans vos cœurs et dans vos esprits.